Électricité : le coup de Jarnac

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Loïk Le Floch-Prigent

Annoncer aux Français une augmentation au Premier Août de 10% du prix de l’électricité après avoir déclaré que le « bouclier tarifaire » que le monde entier nous envie (?) est très cher et qu’il va falloir l’abandonner… l’année prochaine donne une idée des indécisions d’une politique gouvernementale désormais sans boussole, sans convictions, peut-être même sans espérance !

Mais l’impact sur la population de cette augmentation montre que celle-ci n’est pas dupe, elle comprend ainsi l’absence de politique énergétique, de politique industrielle et de politique économique, elle traduit donc ainsi : « il n’y a plus de pilote dans l’avion ».

Sur le plan énergétique, depuis un an et demi, c’est-à-dire depuis le début du conflit ouvert Ukraine / Russie, l’embargo décidé contre la Russie a accéléré les conséquences de la divergence des politiques des pays européens, et, en particulier, l’antagonisme entre pro et anti-nucléaires, et donc entre Français et Allemands.

Les Français ont ainsi découvert que la politique allemande des énergies renouvelables était en fait une politique charbonnière et gazière pour la production d’électricité puisque les centrales solaires sont intermittentes et les éoliennes intermittentes et aléatoires. Elles rendent obligatoires leur soutien par des centrales pilotables et si le nucléaire est abandonné, il faut du gaz et du charbon. Cela n’empêche pas les politiciens de tous bords de continuer à célébrer la nécessité des énergies intermittentes avec un déni de réalité confondant, et la Commission Européenne à dénigrer l’énergie d’origine nucléaire, mais on sait que le choix est bien entre le nucléaire et le gaz et que, dans les conditions actuelles, c’est le nucléaire qui fournit l’électricité la moins chère, la lutte est donc celle de la compétitivité et les vexations anti-nucléaires ont comme objectif premier de détruire l’avantage économique nucléaire. Il s’agit donc, pour la France, de défendre ses intérêts comme les autres pays défendent les leurs, si nous ne le faisons pas, nous avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes.

Les boucliers tarifaires apparaissent insuffisants puisque bénéficiant pour un temps limité aux seuls particuliers, les entreprises et surtout les industriels ont pris des augmentations énormes qui mettent en péril leur existence, cette solution était donc à la fois chère et sans avenir, elle va être graduellement abandonnée et l’ensemble de la population va donc prochainement payer son électricité à un prix qui n’a plus rien à voir avec son cout parce qu’il y a un an et demi on n’a pas voulu sortir du marché de l’électricité, marché artificiel et technocratique dans lequel nous sommes rentrés volontairement et dont nous pouvons sortir quand nous le décidons puisqu’il ne fait l’objet d’aucun traité et que des dispositions existent, dispositions qui ont été utilisées par les Espagnols et les Portugais. On a perdu beaucoup de milliards avec le bouclier tarifaire, on a ruiné beaucoup d’entreprises, mais il faut en finir le plus tôt possible car nous ne faisons qu’enrichir une spéculation que nous voulons ignorer au détriment d’une population française qui a investi pendant des dizaines d’années dans une production nucléaire et hydraulique avec ses réseaux électriques la plus performante au monde qui participait à notre prospérité avec une énergie abondante, bon marché et souveraine. Par ailleurs nous avons une politique gazière équilibrée avec des stockages souterrains, des terminaux de gaz naturel liquéfié et des méthaniseurs agricoles qui permettra de passer sans encombre les pics de consommation électrique.

Les décisions à prendre sont donc simples, à court terme carénage du parc nucléaire existant avec augmentation de puissance, sortie du marché électrique (dit  européen), maintien de toute notre hydraulique, utilisation optimale de nos anciennes centrales thermiques au besoin avec des apports gaz pour passer les pics de consommation et à moyen terme étude de nouvelles centrales, avec recherche de délais courts 7 ans et non 15 ans grâce au retour à des standards internationaux pour la politique de sureté nucléaire .

Depuis deux ans on parle beaucoup, mais les décisions régaliennes réelles ne sont pas au rendez-vous. On annonce le nucléaire et on fait des éoliennes …dont nous n’avons pas besoin car elles sont intermittentes et aléatoires et ne sont donc en rien complémentaires de nos installations en particulier elles coutent un prix exorbitant dans nos réseaux de transport !

La politique énergétique c’est aussi la nécessité affichée d’éradiquer les énergies fossiles de la consommation courante française conduisant à la fin du véhicule thermique, la fin des chaudières thermiques au fioul ou à gaz, la généralisation des pompes à chaleur …gratuites !

On ne peut pas avoir l’épée dans les reins pour produire suffisamment d’électricité pour éviter les délestages et multiplier les directives pour supprimer le gaz dont nous aurons besoin et que nous pourrons produire sur place avec nos méthaniseurs !

Par ailleurs tous les techniciens savent que les deux innovations, véhicules électriques et pompes à chaleur ne « remplacent » pas les engins précédents et que la cohabitation persistera jusqu’à ce que l’optimisation d’usage soit effectuée.

L’absence de politique énergétique débouche là sur l’absence de politique industrielle, c’est-à-dire une méconnaissance profonde du tissu industriel national, de son fonctionnement et des constantes de temps nécessaires à sa transformation.

Tuer une filière est aisé, en faire renaitre c’est une ou deux générations, transformer une filière est plus facile mais cela prend du temps, des compétences, de la volonté et pas forcément des aides et des subventions avec une armée de fonctionnaires mais plutôt de l’accompagnement et de la bienveillance. On n’attend pas de la puissance publique des directives, mais de l’écoute, on n’attend pas d’elle des sanctions ou des punitions mais au contraire que l’on ne soit pas « empêché « de faire ou retardé. Un exemple l’installation impossible au bout de 7 ans du Groupe Le Duff à Liffré près de Rennes avec 250 millions d’investissements et 500 emplois !

Disposer d’une énergie abondante, bon marché et souveraine est le premier impératif pour une industrie prospère, mais la lecture de la loi sur » l’industrie verte « met l’ensemble du tissu industriel dans l’embarras.

Certains pourront y voir à court terme un effet d’aubaine, mais on ne transforme pas en quelques jours des fonctionnaires et des parlementaires en spécialistes de l’industrie. Il est clair que pas un industriel n’ignore qu’il doit faire des progrès dans le domaine de l’environnement, mais son patron c’est le client, ce n’est pas le Gouvernement, et c’est à lui, qu’à la fin il devra obéir sous peine de disparition. Si l’industriel Français a pour fonction première de remplir des tableaux Excel pour satisfaire une nuée de gendarmes de tous horizons, il n’aura comme avenir que de se délocaliser et si, en plus, il a l’énergie la plus chère d’Europe il va devoir accélérer le mouvement.

Nous avons mis en péril notre appareil industriel avec la nécessité, pour satisfaire l’administration, de réaliser des investissements couteux et inutiles. On veut en rajouter une couche avec un concept « fumeux « d’industrie verte. Où est-on vert ? à l’extraction, à la mine, à la transformation primaire, à la fabrication des produits, à l’achat des machines, à l’usage ou au recyclage et l ’élimination. On est vert parce que le bilan carbone est bon ou parce que l’on ne pollue pas ? Plus vert que vert c’est quelle couleur ? La finance est verte ? On peut vous démontrer que toute l’industrie n’est pas verte mais aussi qu’il ne peut exister qu’une industrie verte !

En tous les cas une industrie se doit d’être compétitive pour satisfaire ses clients, et, en France, nous avions un avantage compétitivité, notre prix de l’énergie. C’est devenu l’inverse, tous les autres sont moins chers que nous ! Soit nous revenons à un prix qui reflète nos coûts, soit nous continuons à naviguer sans cap et sans boussole avec des prix impossibles à répercuter et il sera alors inutile de parler de réindustrialisation et même d’industrie, nous disparaitrons. Avant de parler d’industrie « verte » résolvons d’urgence le problème du prix de l’énergie !  Quittons le « marché » artificiel de l’électricité dès aujourd’hui .

Loïk Le Floch-Prigent

 

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