Élections européennes : nos 20 propositions pour la biodiversité

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La LPO publie 20 propositions pour une politique européenne véritablement respectueuse du vivant, alors qu’une nouvelle analyse révèle comment les eurodéputés sortants de chaque pays membres ont voté pour protéger le climat et la nature au cours de la législature 2019-2024.

Dans un rapport rendu public ce jour et transmis aux principaux candidats aux élections européennes, la LPO dévoile ses  20 propositions pour une Europe en faveur de la biodiversité, réparties en 5 objectifs :

  • Protéger les espèces en danger
  • Préserver et restaurer les écosystèmes naturels
  • Limiter le réchauffement climatique
  • Renouer avec une agriculture respectueuse du vivant
  • Défendre l’océan et les espèces marines

L’Union Européenne connait un tournant historique. Les élections du 9 juin seront déterminantes, ne serait-ce que pour la mise en œuvre de sa transition écologique, nécessaire à la sauvegarde de la nature et du climat. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine et sur fond de crise agricole, les régressions environnementales se succèdent à un rythme inquiétant. Le Parlement européen détricote une à une les ambitions initiales du Pacte Vert de 2019, censé rendre l’Europe climatiquement neutre avant 2050. Ainsi, les conditionnalités écologiques de la Politique agricole commune viennent d’être allégées, le règlement sur la restauration de la nature est en difficulté, celui sur l’utilisation durable des pesticides a été repoussé, le dangereux herbicide glyphosate a été prolongé pour 10 ans, il est envisagé d’abaisser le statut de protection du loup, etc.

Progressistes, girouettes ou archaïques ?
Élaboré conjointement par BirdLife International, WWF, Climate Action Network, le Bureau européen de l’environnement, Transport & Environment, le bilan écologique du Parlement européen a examiné le comportement de vote de chaque eurodéputé au cours de la législature 2019-2024. Le résultat est noté sur 100. Les partis politiques français se classent en 3 groupes : ils ont agi soit comme des progressistes responsables, soit comme des girouettes retardant l’action réelle en raison de votes inégaux et incohérents, ou pire comme des archaïques échouant complètement à relever le défi des crises auxquelles l’Europe est confrontée. En juin prochain, les citoyens pourront demander des comptes à leurs représentants sur leurs récentes performances parlementaires et exiger des ambitions écologiques plus élevées de la part de leurs représentants dans les années à venir.

La nature s’effondre, nous entrainant avec elle. L’Europe a prouvé qu’elle pouvait sauver des espèces au bord de l’extinction, nettoyer les rivières et protéger des habitats précieux. Alors que les sondages montrent une prise de conscience des Européens, soucieux de l’effondrement de la biodiversité et inquiets de la crise climatique, les futurs parlementaires seront responsables de l’avenir et jugés en conséquence.
Allain Bougrain Dubourg
Président de la LPO

PROPOSITION 1
Défendre les directives Oiseaux et Habitats
Les Directives « Oiseaux » et « Habitats » constituent les piliers de la législation européenne en matière de protection de la nature. Grâce à elles, de nombreux combats pour la protection des espèces ont pu être gagnés (interdiction des chasses traditionnelles comme la chasse à la glu, fermetures spatiales et temporelles de la pêche dans le golfe de Gascogne pour stopper le massacre de dauphins, etc.)
mais elles ne sont toutefois pas suffisamment mise en œuvre par les États membres. Il est donc fondamental de veiller à leur pleine application, afin de protéger réellement les espèces et les ressources dont elles dépendent.

PROPOSITION 2
Réduire au minimum de moitié le trafic illégal des espèces sauvages, à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE, d’ici 2030.
Il est primordial de poursuivre la lutte contre la mise à mort, le prélèvement et le commerce illicite d’animaux sauvages en Europe. Pour cela, il faut maintenir et renforcer l’approche de tolérance zéro vis-à-vis des activités illégales sur la faune.

PROPOSITION 3
Interdire immédiatement et définitivement la chasse des espèces en mauvais état
de conservation en Europe.
Il n’est pas acceptable de chasser des espèces sauvages en mauvais état de conservation, indépendamment du fait que la chasse en soit le facteur principal ou non. Afin de garantir la restauration des populations, des moratoires doivent être mis en place sans délai sur la chasse de toute espèce scientifiquement reconnue comme menacée.

PROPOSITION 4
Maintenir le statut de protection des grands prédateurs en Europe.
Le retour des grands prédateurs (loup, ours, lynx, etc.), longtemps disparus, contribue à la régulation des populations d’autres espèces et au maintien de l’équilibre écologique des écosystèmes européens.
La restauration de la biodiversité en Europe passe par le maintien de leur statut de protection stricte.
La population d’ours des Pyrénées est l’une des plus réduites d’Europe et souffre de consanguinité. De nouveaux lâchers sont indispensables et urgents afin de poursuivre sa restauration, comme le prévoit la Directive « Habitats ».
Le statut de protection du loup est aujourd’hui remis en question à l’échelle européenne. Il est impératif de maintenir cette espèce en protection stricte afin qu’elle atteigne, à terme, un bon état de conservation.
En parallèle, il faut accompagner cette reconquête progressive des territoires par les grands prédateurs, en développant et en valorisant socio-économiquement les initiatives locales de cohabitation avec les activités agricoles et pastorales.

PROPOSITION 5
Augmenter les financements dédiés à la protection de la biodiversité en Europe.
Avec environ 150 M€/an, le programme LIFE Nature a conduit, depuis sa création en 1992, à la mise en œuvre de 1 800 projets en faveur de la nature et de la biodiversité sur plus de 6 000 sites Natura 2000, ce qui a permis de sauvegarder près de 750 espèces et de protéger environ 200 000 hectares de terres. Le succès de ce programme de financement (environ 650 M€ de projets déposés par an) et ses résultats positifs sur la préservation de la bio-diversité nécessitent de doubler l’enveloppe disponible annuelle à 300 M€.

PROPOSITION 6
Protéger strictement au moins 10 % des terres et des mers d’ici 2030
La définition des aires strictement protégées telle que proposée par la Commission européenne en 2022, et l’objectif de classement, sous ce statut, de 10 % des espaces naturels d’ici 2030 doivent être inscrits dans le droit européen, seules garanties d’un niveau de protection élevé et homogène.

PROPOSITION 7
Atteindre l’objectif Zéro Artificialisation Nette pour lutter contre la dégradation des sols 60 à 70 % de nos sols européens sont dégradés. L’étalement urbain et la bétonisation concerne déjà plus de 4 % des sols européens.
Des mesures fortes doivent être prises afin de préserver les terres agricoles, les forêts et les milieux naturels, notamment à travers un objectif contraignant d’aucune artificialisation sans renaturation préalable à l’horizon 2050. Mais pour pouvoir lutter réellement contre la dégradation des sols, écosystèmes fragiles et indispensables, il convient d’agir également contre leur érosion et leur pollution.

PROPOSITION 8
Adopter et assurer la pleine mise en œuvre du règlement européen sur la restauration de la Nature
Le règlement européen pour la restauration de la Nature est une composante fondamentale du Pacte Vert de l’UE. Outre pour la bonne santé des écosystèmes, son adoption est également primordiale pour le climat. En effet, 80 % des puits naturels de carbone de l’UE sont en mauvais état et se dégradent continuellement du fait des activités humaines.
L’application de ce règlement nécessitera des moyens financiers dédiés, ainsi qu’un suivi et un contrôle de son application, pour s’assurer de l’efficacité et de la cohérence des mesures prises.

PROPOSITION 9
Bannir du réseau Natura 2000 les infrastructures énergétiques industrielles
Le réseau Natura 2000 a été créé afin d’assurer la survie à long terme des espèces et des habitats particulièrement menacés et à forts enjeux de conservation en Europe. Ces espaces et leurs objectifs sont incompatibles avec l’implantation d’infrastructures de production, de stockage et de transport d’énergie, y compris renouvelables.

PROPOSITION 10
Supprimer les subventions aux énergies fossiles
Les combustibles fossiles représentaient encore 50 des 173 milliards d’euros (28 %) de subventions annuelles dans l’UE en 2020, ce qui est totalement incompatible avec l’objectif de 1,5°C de l’accord de Paris.

PROPOSITION 11
Imposer des objectifs contraignants pour la rénovation énergétique des bâtiments
Les bâtiments dans l’UE sont responsables d’environ 40 % de notre consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre. La directive sur la performance énergétique des bâtiments fixe aujourd’hui un objectif de rénovation des passoirs énergétiques (classes F, G, H) à l’horizon 2033.
Afin de dessiner une trajectoire permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050, il convient de fixer un objectif contraignant intermédiaire de rénovation des classes D et E en 2040

PROPOSITION 12
Réduire d’au moins 50 % l’utilisation de produits phytosanitaires et d’engrais de synthèse à l’échéance 2030
Les effets néfastes de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et d’engrais chimiques sur la santé humaine et l’environnement sont scientifiquement avérés. Leurs impacts, notamment chez les oiseaux, sont multiples : empoisonnement d’individus, raréfaction des ressources alimentaires, etc. Alors qu’en Europe, les populations
d’insectes pollinisateurs ont diminué de l’ordre de 70 % en quelques décennies et que les oiseaux des plaines agricoles ont diminué de 30 % en 30 ans, que plus de la moitié des masses d’eau de surface en France ne sont pas en bon état écologique au titre de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE), l’UE, sous la pression des lobbys agro-chimiques, peine à adopter une politique ambitieuse et efficace de réduction de leur usage.

PROPOSITION 13
Consacrer a minima 50 % des aides de la PAC à la préservation et la restauration des habitats naturels et des milieux agricoles
En France, le constat est dramatique : 70 % du linéaire de haies a été arraché depuis 1950, la moitié des zones humides ont été comblées au cours du siècle dernier et près de 60 % des oiseaux des plaines agricoles ont disparu en Europe en 40 ans. Les principales causes du déclin de l’avifaune agricole sont pourtant clairement identifiées : la disparation ou la dégradation des habitats (haies, arbres, prairies…) et l’utilisation de pesticides. Les écosystèmes ruraux subissent une
altération et une érosion dramatique, en partie à cause d’un modèle agricole productiviste méprisant le vivant. La PAC doit impérativement soutenir les pratiques respectueuses de la faune, de la flore et de leurs habitats naturels à travers une rétribution accrue des agriculteurs respectant les Bonnes Conditions Agro Ecologiques (BCAE) et les Mesures Agro Environnementales et Climatiques (MAEC).

PROPOSITION 14
Soutenir plus massivement le développement de l’agriculture biologique
Les subventions de la PAC allouées à l’agriculture biologique et à la dynamique de conversion sont insuffisantes pour encourager un développement significatif. Il est indispensable d’augmenter les aides financières pour opérer une réelle transition agroécologique.

PROPOSITION 15
Interdire les subventions néfastes à la biodiversité
Les aides financières conditionnées aux surfaces agricoles et aux ratios de production encouragent une industrialisation du système agricole, néfaste à la fois pour la biodiversité, le climat, le bien-être animal, mais aussi les économies rurales. Rien qu’en France, elles représentent 6,7 milliards d’euros selon un rapport de novembre 2022 de l’inspection générale des finances et du ministère en charge de
l’écologie. Il s’agit donc d’identifier précisément ces dépenses néfastes et de les supprimer d’ici 2030.

PROPOSITION 16
Adopter des pratiques d’élevage permettant d’éviter les zoonoses et la contamination de la faune sauvage
À la suite des différentes crises de grippe aviaire qui ont touchées l’ensemble de l’Europe, il devient urgent de reconsidérer les modèles des différents systèmes de production avicole en réduisant la densité des élevages et en améliorant les conditions sanitaires de détention.
Il est impératif que les systèmes d’élevage limitent le stress des animaux détenus, de renforcer la diversité génétique des cheptels et de favoriser les races locales.

PROPOSITION 17
Promouvoir des pratiques de pêche compatibles avec la préservation des océans
La pêche est une activité essentielle pour l’économie, l’alimentation, la société et la culture européenne. Elle est cependant source de nombreuses pressions sur les écosystèmes marins (surexploitation, captures accidentelles, abrasion des fonds marins, filets fantômes)
Plus de 200 000 oiseaux marins sont capturés accidentellement dans des engins de pêche en Europe chaque année. Des plans nationaux de surveillance et de réduction des captures accidentelles, recommandés par la FAO depuis les années 1990, doivent impérativement être mis en place par tous les États membres disposant d’une façade maritime pour répondre à cette menace majeure.
L’UE joue un rôle majeur pour soutenir et promouvoir la transition de la pêche vers des pratiques à moindre impact (ex : réduction des captures accessoires et accidentelles, interdiction du chalutage de fond dans les aires marines protégées…), tout en accompagnant financièrement les pêcheurs. Le renforcement des critères environnementaux dans l’attribution des quotas, prévu par la Politique
commune de la pêche (PCP), doit également être pleinement mis en œuvre pour favoriser les pêcheries les plus vertueuses.

PROPOSITION 18
Garantir une transition énergétique respectueuse des écosystèmes marins
L’UE s’est engagée dans une politique volontariste de développement des énergies marines renouvelables (EMR), nécessaire pour la transition énergétique de la société et la réduction de nos émissions à gaz à effet de serre.
Dans un contexte de fortes pressions sur le milieu marin, cette transition ne doit pas se faire au détriment de la biodiversité. Les risques pour les écosystèmes doivent être anticipés, maîtrisés et évités, dans le cadre d’une planification rigoureuse des activités maritimes.
La Directive RED III (2023) identifie les aires marines protégées (dont les sites Natura 2000) et les couloirs migratoires de certaines espèces comme zones à éviter pour l’implantation des énergies marines renouvelables. L’UE doit aujourd’hui aller plus loin en consacrant juridiquement cette exclusion des secteurs sensibles, qui doit absolument prendre en compte et réduire les impacts cumulés de tous les parcs éoliens, ainsi que de toutes les autres activités, à une échelle écologiquement cohérente (voies de migration, façades maritimes).

PROPOSITION 19
Faire adopter un traité mondial de lutte contre la pollution plastique
Environ 90 % des oiseaux marins sont contaminés par les matières plastiques. En mars 2022, l’Assemblée des nations unies pour l’environnement a adopté une résolution historique afin de négocier un traité mondial de lutte contre la pollution plastique, en vue d’aboutir à sa signature lors de la troisième Conférence des nations unies pour l’Océan, qui se tiendra à Nice en juin 2025.
L’UE doit être mobilisée pour obtenir un traité contraignant et ambitieux dans ses objectifs à cette échéance, garantissant notamment la réduction drastique de la production et de la consommation de plastiques et l’interdiction des substances chimiques les plus dangereuses.

PROPOSITION 20
Proposer un Pacte européen ambitieux pour la sauvegarde de l’Océan
Les politiques publiques relatives aux différents secteurs d’activités maritime (pêche, aquaculture, transport, énergies) doivent être mises en cohérence entre elles, avec l’objectif prioritaire d’atteindre le bon état écologique des eaux marines de l’UE, et ce en ayant pour souci la préservation des espèces, des habitats et des fonctions éco-systémiques.
La mise en œuvre de ces politiques publiques doit être appuyée par des financements dédiés articulés autour de deux volets : la protection et la restauration à long terme des écosystèmes marins, et la transition des secteurs d’activités maritimes vers des activités décarbonées et à faibles impacts écosystémiques, dans une logique de justice sociale.
L’océan et la préservation de sa biodiversité doivent être inscrits au cœur de la gouvernance européenne et se traduire par la mise en place d’instances dédiées au sein de la Commission, du Parlement et du Conseil européen.

LPO France
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