EDF : de qui se moque-t-on ? par René Fredon

0

Les profits des entreprises du CAC 40 explosent. On est en plein scandale -un de plus- de « l’optimisation » fiscale. La très puissante banque HSBC reconnaît avoir « aidé’ de riches clients à soustraire à l’impôt 180 milliards d’euros planqués dans les paradis fiscaux. Une paille. A l’échelle mondiale ce sont des milliers de milliards qui sont détournés chaque année. De quoi éradiquer la pauvreté et réduire effectivement les inégalités.

« Touchez pas au grisbi », à celui que rapporte la fraude ! Le système est bien huilé et il ne faut pas compter sur ceux qui détiennent le pouvoir pour tarir la source même s’ils déclarent régulièrement le contraire.

Les multinationales à capitaux publics (EDF, GDF, Total…) ne sont pas les dernières à y avoir des filiales en toute légalité. Que valent les promesses de transparence et de moralisation ?

Le ministre des finances, Michel Sapin et son collègue Emmanuel Macron, grands serviteurs des intérêts bien gardés de nos entreprises, en particulier les plus grandes, ont adressé un courrier le 6 février 2015, au PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy pour attirer son attention sur les implantation du leader mondial de l’électricité dans ces hauts-lieux de l’optimisation. Entendez de la fraude légale !

Ils l’informent que lors du prochain conseil d’administration, les représentants de l’Etat demanderont à ce que toute la transparence soit faite sur les implantations de l’entreprise publique dans ces paradis dédiés à la fraude fiscale comme nul ne l’ignore.

Ils iront même jusqu’à ce que la liste de ces implantations et des participations à des sociétés offshore soit rendue publique. Ah ! mais…On ne rigole plus.

Si ce n’est que le groupe EDF est à 84,49% la propriété publique de l’Etat. Que son PDG, JB Lévy est choisi par le chef de l’Etat et qu’il vient tout juste de succéder à Henri Proglio  (octobre 2014) après deux ans à la tête de Thalès (armement) dans lequel l’Etat n’a plus que 27% du capital, Dassault 26 etc. La privatisation est allée bon train.

On se demande bien pourquoi, trois mois après, le gouvernement doit recadrer le PDG qu’il vient de nommer ! Comme s’il découvrait le pot-aux-roses, l’usage des paradis fiscaux y compris par des entreprises publiques ? C’est ça la « libre circulation des capitaux ».

En 2014, EDF voit progresser ses bénéfices de 5,2% avec 3,7 Mds  grâce notamment à la hausse des tarifs réglementés que le nouveau PDG trouve insuffisante alors que des millions de familles ne peuvent plus faire face à leurs dépenses énergétiques.

De son côté, le nouveau PDG de TOTAL, Patrick Pouyanné, vient de reconnaître que parmi ses 900 filiales à travers le monde, il s’en trouvait quelques-unes dans les paradis fiscaux, aux Bermudes, aux Iles Vierges, aux Caïmans…ajoutant la main sur le portefeuille, que Total n’y est que pour de bonnes raisons, comptables et juridiques. Absolument pas pour de l’optimisation fiscale jure-t-il.  Juste pour le confort de ses comptables et de ses services juridiques.

Il va d’ailleurs publier, en mars, la liste complète de ses filiales que son prédécesseur, De Margerie, s’était engagé à réduire et à ne plus en ouvrir dans ces pays. Quel aveu !

Et si le grand groupe pétrolier et gazier n’a pas payé d’impôts en France en 2012 et 2013, c’est, parole de PDG, qu’il n’ y a pas fait de bénéfices. Le tour est joué. Ses services décentralisés ont trouvé la parade…à l’abri des regards.

Total n’en a pas moins enregistré 11 milliards de bénéfice net en 2014, malgré la chute des prix du pétrole en baisse de 10% mais distribuant tout de même 6 Mds d’euros de dividendes (+2,5%) et annonçant 2 000 suppressions d’emploi.

EDF est donc en bonne compagnie mais ça finit par faire désordre et les actionnaires publics se font du souci s’ils apparaissent comme fermant les yeux sur des pratiques que l’opinion publique condamne en même temps qu’on lui impose l’austérité au profit d’une infime minorité d’actionnaires et de grands patrons fort bien rémunérés.

D’où le recours à la lettre publique pour tenter de sauver la face. La ficelle est un peu grosse mais cela prouve que le gouvernement est sur la défensive.

Ce ne sont pas des dérives mais des pratiques congénitales au libéralisme qui ne se nourrit que « d’optimisation et de compétitivité », de concurrence déloyale, avec leurs corollaires, le chômage, les inégalités, les privations, la pauvreté, la stagnation économique, la fuite en avant, l’absence de perspectives.

Et pendant que les uns, au gouvernement, font mine d’exiger de la transparence tout en maintenant le cap de l’austérité (loi Macron), voilà qu’un autre socialiste, à la tête de la Cour des Comptes vient justement de demander la peau d’EDF, en tant que groupe public, non pas parce qu’il s’égare dans des pratiques condamnables mais au contraire parce qu’il fait encore trop d’ombre à la concurrence privée et ne respecte pas les traités européens !

Le rapport regrette que la France n’ait pas libéralisé totalement son marché de l’électricité ! Ce qui signifierait pour les usagers devenus des clients, la fin de tarifs encore relativement encadrés qui nous valent une électricité à un prix moins élevé que partout ailleurs et qui évolue moins vite mais ça pourrait changer. Ils s’y emploient.

La Cour des Comptes, gardienne du temple libéral, agit au nom des directives européennes. Comme si le gouvernement était un pôle de résistance à ces mêmes orientations. On est dans un jeu de rôle cynique.

Le rapport n’épingle pas GDF-Suez, groupe privatisé depuis février 2006 (Villepin-Sarkozy) dans lequel l’Etat ne détient plus que 36,7% du  capital. Ce qui a valu une envolée du prix du gaz de plus de 60% en six ou sept ans, malgré l’autorité de régulation ! La gestion privée s’y donne libre  cours. Et ne néglige pas non plus les filiales bien abritées, à commencer vers le Luxembourg où sévissait un certain…Juncker. Le civisme fiscal n’est pas la vertu la mieux partagée dans ce monde hermétique de la finance qui place au-dessus de tout les valeurs…

boursières.

L’eau, les énergies…comme la santé, l’éducation, la protection de l’environnement, la culture, le handicap… ne sont pas des marchandises dont l’accès doit dépendre du marché et de ses fluctuations. Le Front de Gauche porte cette vision d’avenir, de progrès et de justice sociale. D’une éthique vraiment de gauche.

N’est-ce pas le véritable enjeu de société que l’actualité remet avec insistance à l’ordre du jour ?

René Fredon

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.