Des idées à la réalité, parlons humainement de la prostitution

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À toutes ces personnes, comme à chacun de nos concitoyens, nous devons assurer la première des libertés: la sécurité.
En 2018, en France, la prostitution est un fait, une réalité.
C’est un sujet qui fait toujours bondir, quelle que soit la position que les gens prennent. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé il y a moins d’une semaine. Comme beaucoup de députés de la majorité, je vais à la rencontre des habitants et des acteurs sur ma circonscription, en l’occurrence, dans le Var. Au détour d’un entretien avec des gendarmes, sur leurs conditions de travail, les problématiques qu’ils rencontrent ou observent, il m’est apparu nécessaire d’évoquer un phénomène se développant sur le territoire: la prostitution.
J’ai alors fait l’erreur de constater qu’au siècle dernier, sans internet, avec des infrastructures différentes, les maisons closes formaient une communauté de fait, où il eut été possible de créer un réel suivi des travailleurs du sexe. La réalité est autrement plus lugubre, et contrairement à ce que j’ai pu lire dans les titres, je ne suis pas en faveur de la réouverture des maisons closes. Ce n’est pas en parquant des personnes à l’abri des regards ou en faisant le jeu de réseaux établis que nous améliorerons leur situation, cela déplacerait leurs problèmes. C’est pourquoi il m’est nécessaire de rendre public mon regard sur ce sujet, sans tomber dans les petites phrases et grands raccourcis qui déchaînent les passions autour de ce sujet sensible.
Pays des Droits de l’Homme, la France se veut abolitionniste. C’est dans cet esprit que la loi de 2016 a été adoptée sous la précédente législature. Pour la première fois, en France, on opère une réelle transition pour reconnaître les personnes qui se prostituent non plus comme coupables de racolage mais comme des victimes d’un système prostitutionnel établi.
C’est dans cette philosophie qu’ont été créées les Aides Financières à l’Insertion Sociale et professionnelle (AFIS) pour accompagner celles et ceux qui se prostituent vers un autre champ d’activité. Néanmoins, la prostitution est un fait millénaire, et le système prostitutionnel est bien établi. Des réseaux sont organisés et exploitent la misère de certains. D’autres, bien moins nombreux, ont fait le choix d’employer leur droit à disposer de leur corps à des fins marchandes et je ne porterai aucun jugement sur les parcours de vie qui les ont amenés à y parvenir.
Cette année, cela fait deux ans que la loi a été adoptée. La prostitution n’a pas disparu, et les réseaux existent toujours. Elle s’est même trouvée de nouveaux lieux avec internet. Les travailleurs du sexe se trouvent dans une situation plus précaire et font face à un nombre de violences sans égal, comme en témoigne tristement le meurtre de Madame Vanesa Campos, en août dernier.
Ce constat, il est nécessaire. Si le législateur se drape d’un voile par fausse pudeur, c’est le jeu des réseaux de traite humaine que nous ferions, ce serait la consécration d’une hypocrisie moraliste: je m’y refuse! J’ai la conviction profonde que les français croient en notre action parce que nous nommons les choses, que nous n’avons pas l’action honteuse.
À toutes ces personnes, comme à chacun de nos concitoyens, nous devons assurer la première des libertés: la sécurité. Si cette sécurité est plurielle, notre action doit porter à différents niveaux:
• Nous devons nous doter, à l’échelle européenne, d’une stratégie commune d’action. Elle seule nous permettra de lutter efficacement contre ces réseaux qui exploitent la misère humaine et organisent un esclavage moderne.
• Nous devons repenser nos outils pour accompagner celles et ceux qui souhaitent sortir de la prostitution tout en assurant, à chaque étape, leur sécurité sur le moment et après leur transition professionnelle.
• Nous avons enfin un devoir de réalisme: ce n’est pas parce que certains ne souhaiteraient pas sortir de la prostitution que nous devrions les abandonner. La nature même de leur activité les expose à des risques nombreux qu’il est nécessaire de prévenir. L’action publique, est un devoir de défense individuelle autant qu’un intérêt de santé publique.
En somme, il faut rendre tangible les droits des travailleurs du sexe. Cette assertion ne saurait être une promotion quelconque de la prostitution, mais des droits humains les plus élémentaires. Le sens de mon travail sur ce sujet, c’est de travailler avec chacun des acteurs pour agir avec réalisme et responsabilité. C’est le sens de cette tribune: formuler le voeu que ce débat soit considéré avec tout le sérieux qui lui est dû.

Valérie Gomez-Bassac
Députée
6è circonscription du Var

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