Des économies continues sur le dos des familles

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Les comptes prévisionnels 2016 et 2017 illustrent, s’il en était encore besoin, l’extrême dépendance du financement de la sécurité sociale au contexte économique. Le frémissement constaté sur le marché de l’emploi conduit à relancer la progression de la masse salariale (+ 2,6 % en 2016, + 2,7 % en 2017) qui constitue la principale assiette sur laquelle sont prélevées les cotisations et autres contributions sociales.
Mais le facteur principal de la réduction des déficits de la sécurité sociale tient à une politique continue de maîtrise des dépenses. Cette politique s’est traduite par des mesures d’économies qui ont affecté toutes les branches sans pour autant constituer des réformes structurelles permettant l’équilibre à moyen terme des comptes de la sécurité sociale. C’est ainsi que l’assurance maladie, avec une progression de l’ONDAM 2016 de + 1,8 %, a été soumise à une contrainte budgétaire sans précédent et que les réformes paramétriques de l’assurance vieillesse se sont faites au prix du décrochage du montant moyen des pensions par rapport aux revenus des actifs.
En ce qui concerne la branche famille, il est pour le moins excessif de prétendre, comme le fait la communication gouvernementale que les économies sur les prestations familiales ont épargné les familles modestes. Si des efforts portant sur les revalorisations du Complément familial et de l’Allocation de Soutien Familial (ASF) ont été réalisés, le gel de l’Allocation de Base (AB) de la Prestation d’Accueil du Jeune Enfant (PAJE), la faiblesse de la revalorisation des autres prestations familiales intervenues en 2016 (+ 0,1 %) venant après une année « blanche » en 2015, ont de fait davantage pénalisé les familles modestes que les autres. Par ailleurs, les autres familles ont été fortement touchées par les mesures avec des pertes annuelles très conséquentes (de plusieurs milliers d’euros) pour les familles aisées, sans que les ménages aisés sans charge d’enfants n’aient subi les mêmes réductions.

La mise en oeuvre des dernières mesures incite à rappeler la position initiale de l’UNAF et des UDAF :
1.1 La mise sous conditions de ressources des allocations familiales : l’UDAF prend rendez-vous pour l’avenir.
La modulation des allocations familiales (AF) n’est rien d’autre qu’une mise sous conditions de ressources des allocations familiales mettant ainsi fin au principe d’universalité.
Cette mesure porte spécifiquement atteinte aux familles nombreuses alors que leur pouvoir d’achat est déjà amoindri par la charge d’enfants.
Elle porte atteinte à ces familles qui sont les plus contributrices à la solidarité nationale par leurs cotisations et leurs impôts avec à terme un risque de rupture du pacte social.

L’universalité s’applique aussi à l’assurance maladie : on cotise selon ses ressources et l’on reçoit selon ses besoins. Cette mesure ouvre une brèche dans l’ensemble du système de protection sociale, d’abord les allocations familiales et ensuite les remboursements de santé modulables selon les ressources.
La mise sous conditions de ressources des allocations familiales a été présentée comme une mesure de justice sociale mais il n’y a pas eu de redistribution vers les familles plus modestes.
Pire encore, sur les réformes intervenues en 2014 et 20151 pour les prestations familiales, l’UDAF tient à souligner que sur 9 millions de familles avec enfants, ce sont 3,2 millions de familles qui sont perdantes. Toutes ces familles ne sont pas aisées : 1,92 million de familles (soit 60 %) sont issues des classes moyennes ou pauvres. Parmi les familles pauvres – vivant en dessous du seuil de pauvreté – 160 000 familles sont perdantes.

Au regard des montants de prestations perdus, certes les trois déciles les plus élevés concentrent 86 % des pertes totales mais il n’en demeure pas moins que pour 16 % des familles perdantes appartenant aux 3 premiers déciles, la perte subie par ces familles est de 204 € par an : ce qui est loin d’être négligeable lorsque l’on a du mal à boucler les fins de mois. Cela résulte de la non-revalorisation du montant de l’AB de la PAJE et de la prime de naissance.

Enfin, l’UDAF s’étonne des modalités d’application de cette mesure sur deux points :
Les plafonds de ressources retenus ne tiennent pas compte de la double activité, pourtant fréquente chez les ménages bénéficiant de ce niveau de vie, ni de la situation du parent isolé.
Or à l’exception de l’allocation de rentrée scolaire, la double activité et l’isolement sont des éléments pris en compte dans toutes les prestations familiales sous conditions de ressources pour majorer les plafonds de ressources.
L’abattement forfaitaire par enfant à partir du 3e enfant d’un montant de 500 € nous semble trop bas. Une augmentation, par exemple de 50 %, de cet abattement à partir du troisième enfant serait souhaitable.
Ces aménagements atténueraient pour les familles concernées la brutalité de la modulation de leurs allocations familiales. Surtout, elles permettraient de faire rester dans le droit commun des allocations familiales un plus grand nombre de familles particulièrement affectées par le plafonnement du quotient familial et la mise sous conditions de ressources des allocations familiales.

1.2 La réforme du congé parental : des alertes de l’UNAF et des UDAF qui tendent malheureusement à se confirmer dans les faits. L’UDAF a marqué son opposition à cette réforme du congé parental car :
Cette réforme réduit le droit de centaines de milliers de familles.
Elle augmente encore les besoins en mode de garde alors qu’il manque déjà 350 000places d’accueil.
Elle complique l’accès au congé parental et à son indemnité car les deux parents devront remplir les conditions (ancienneté et durée de cotisation).
Elle appauvrit les familles : baisse du revenu familial.

L’UNAF et les UDAF étaient force de propositions pour permettre aux pères de prendre leur place aux côtés de leurs enfants :
Promouvoir et allonger le congé de paternité à un mois.

Promouvoir activement auprès des pères le congé parental, notamment à temps partiel qui permet de se maintenir dans l’emploi, tout en s’occupant de ses enfants (information obligatoire de l’employeur, courrier de la CAF adressé au père, campagne publicitaire…).
Assouplir le congé parental et son indemnisation (possibilité de temps partiel à 90 %, prise du congé parental par les deux parents sur la même période à temps partiel, amélioration de l’indemnisation du congé parental par l’extension du Complément Optionnel de Libre Choix d’Activité – COLCA – (réservé aux familles de 3 enfants) aux familles de 2 enfants, assouplissement des conditions de prise du Complément de Libre Choix d’Activité – CLCA – (fractionnement ou crédit temps).

Sous couvert d’égalité, l’UDAF voit dans cette réforme du congé parental : une mesure d’économie, une atteinte à la liberté pour les familles, une baisse d’attractivité du congé parental, une hausse programmée en besoins de modes d’accueil et donc, au total, une nouvelle mesure d’austérité pour les familles.

Que constate-t-on aujourd’hui, 18 mois après l’entrée en vigueur de la réforme ?
Nous estimons que l’incitation au partage de ce congé entre la mère et le père sera un échec. Des premiers chiffres sont là pour le démontrer : la lettre de l’Observatoire national de la petite enfance n°1 de septembre 2016 nous apprend que le compte n’y est pas du tout. Seul le nombre de pères couverts par la PreParE (prestation partagée d’éducation de l’enfant) augmente lorsqu’elle est versée pour le premier enfant mais là aussi le résultat est modeste car en décembre 2015, l’effectif de ces pères était de 1 480 contre 970 en décembre 2014 !

Une des explications du faible partage tient à l’inadaptation de la rémunération de ce congé opérée par la PreParE. Le montant de celle-ci est particulièrement faible (390,92 €/ms) et ne permettra pas aux pères, dont les revenus professionnels sont généralement en moyenne supérieurs à ceux des mères, d’interrompre sur une durée importante leur activité professionnelle. La persistance de la modicité de la rémunération de ce congé parental conduit à le cantonner à des parents (surtout des mères) ayant de faibles revenus d’activité et des emplois peu qualifiés.

Les familles, qui n’opteront pas pour le partage du congé parental vont voir leur durée d’indemnité raccourcie de l’intégralité de la période de partage. Beaucoup devront se tourner vers les crèches et les assistantes maternelles pour faire garder leurs enfants.

La lettre de l’Observatoire national de la petite enfance déjà citée nous conforte dans cette affirmation que le nombre de places à créer n’est pas au rendez-vous. Le volume d’heures d’accueil dans les modes de garde « formels » facturées aux parents est stable entre 2014 et 2015 (1940,3 h en 2014 contre 1943,4 h en 2015).

Au total, en 2017, quand le partage obligatoire du congé parental fera pleinement sentir ses effets, il est certain que la pénurie de modes de garde sera autant voire plus préoccupante qu’en 2014.

Face à l’absence de solutions d’accueil, une augmentation du taux de chômage des femmes est malheureusement à prévoir.
Il y a 10 ans, la moitié des allocataires du CLCA étaient issus des classes moyennes ou supérieures.
La suppression du CLCA majoré pour les catégories moyennes-supérieures ne percevant pas l’AB de la PAJE a certainement désincité ces familles à l’utiliser, notamment en rendant le taux partiel moins intéressant. Mal indemnisée, la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) risque de devenir un minimum social, avec tous les risques de stigmatisation que cela comporte.
Or, le CLCA à taux partiel était très apprécié des bénéficiaires. L’enquête menée en 2010 par la DREES à la demande du Haut Conseil de la Famille, auprès des bénéficiaires du complément de libre choix d’activité, révélait que 86 % des bénéficiaires à taux réduit n’exprimaient aucun regret d’avoir réduit ou suspendu leur activité professionnelle.
Par ailleurs, ce congé parental s’inscrit dans le champ plus vaste des congés familiaux dont la durée, les conditions d’octroi et la rémunération sont très variables.
La récente loi travail soumet à négociation d’entreprise les éléments de souplesse et la durée du congé concernant le congé de solidarité familiale.

De même, le congé de proche aidant est une avancée récente de la loi d’adaptation de la société au vieillissement et, même s’il n’est pas rémunéré, il est une reconnaissance du rôle des aidants familiaux. La loi travail soumet, à accord d’entreprise, sa durée maximale, le nombre de renouvellements possibles, la condition d’ancienneté pour ouvrir droit au congé, les délais d’information de l’employeur sur la prise du congé et son renouvellement, mais aussi les délais de demande et de réponse sur le fractionnement du congé. Là aussi, une inégalité de traitement entre les aidants sera la conséquence d’un abandon du cadre légal protecteur au profit des accords de branche ou d’entreprise.

1.3 La généralisation du dispositif de garantie contre les impayés de pensions alimentaires.
Cette mesure contribue à améliorer la vie des familles monoparentales et donc particulièrement des femmes, mères de famille.
Sur le fond, deux interrogations subsistent. Quelle sera l’attitude des juges dans la fixation de la pension alimentaire ? Ne seront-ils pas tentés de fixer ce montant au niveau où jouera la garantie ?
Du côté des CAF, la gestion de ce nouveau dispositif implique de développer des compétences, notamment en matière de contentieux, éloignées de leur cœur de métier. Ce développement aura forcément un coût (recrutement, formation). Les CAF en auront- elles les moyens ?

1.4 Le versement de la prime de naissance avant la naissance : un retour arrière à faire d’urgence.
La politique du « rabot » peut aussi conduire à des contresens. C’est le cas pour la prime de naissance attribuée aux jeunes parents de revenus modestes ; le décalage de son versement l’a rendue incohérente et complexe sans produire les économies escomptées. Rétablir les conditions initiales du versement de la prime de naissance serait une sage décision.

1 Modifications intervenues en 2014 :
Gel de l’AB de la PAJE et gel de la prime de naissance,
Réduction de 50 % du montant de l’AB de la PAJE pour les familles dont les ressources dépassent un certain seuil,
Suppression de la majoration du CLCA en l’absence de perception de l’AB de la PAJE,
Revalorisation de l’ASF sur 5 ans,
Majoration du complément familial pour les familles dont les ressources sont inférieures à un certain seuil.
Revalorisation exceptionnelle du RSA : plan de lutte contre la pauvreté et de l’inclusion.
Modifications intervenues en 2015 :
Mise en place de la PreParE
Versement de la prime de naissance après la naissance
Suppression du versement de l’AB le mois de naissance
Modulation des AF
Revalorisation RSA, ASF et majoration du complément familial.

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