Copi la tendresse dévoilée

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Noir total. Une lueur scintille. Une forme se discerne. Haut perchée une voix chante une complainte déchirante. Et la nuit devient une pluie de lumière. Le spectacle commence. D’étranges personnages évoluent accidentellement déroulant un dialogue. Nous avons l’impression de faire irruption  au sein d’une famille au bord de la crise de nerfs. Les masques se dévoilent peu à peu. Une fille est au centre des attentions d’un couple étrange. Homme/fille ou Fille/homme. Un chien renifleur parcourt la scène et dévore toute sorte d’accessoires ; des abats, un fœtus, des excréments etc…

Le transréel
Nous sommes dans le monde transréeel de Copi. Copi l’iconoclaste auteur de théâtre argentin dont deux pièces sont proposées en diptyque par des extraits. Ce spectacle aurait pu choquer. En fait il a séduit le public pendant deux heures.

L’univers de la BD
Tout d’abord, pour bien en comprendre l’originalité, il faut revenir aux fondamentaux de l’argentin Raúl Damonte Botana, dit Copi (1939 – 1987). Auteur de bandes dessinées provocatrices et déjantées, Copi a eu l’idée  géniale de les transposer à la scène. Ou plus exactement d’intégrer à sa production théâtrale le style, l’esthétique, la violence verbale et la scénographie de la BD.

Il en résulte une forme théâtrale nouvelle qu’il appelait lui-même le théâtre de la spontanéité. Installé en France et en Europe il développa une œuvre originale dans les années 80 qui étonna par sa fraîcheur et sa tonicité. Icone du mouvement gay, Copi meurt à Paris  à 48 ans du Sida laissant une œuvre dramaturgique importante que l’on commence à redécouvrir.

A Châteauvallon  étaient donc réunis  deux extraits  de deux textes majeurs interprétés par des comédiens hors pair qui brillent par le travail sur le corps, la séduction, le jeu de scène caricaturé et le non-sens : l’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer et Les quatre jumelles.

Tendresse humaine
On serait bien en peine de trouver une ligne conductrice dans ces dialogues labyrinthiques  fait d’éructations, d’insultes, de cris de douleurs. Mais surtout d’une immense compassion humaine. Certains, dans le public vendredi soir, croyaient de bon ton de glousser par dérision sur certains traits de scène  provocateurs : les jets de sang, les piqures d’héroïne, les sexes postiches, la masturbation assise etc…Mais quelle dérision ? Au contraire il y a dans ces moments une grande pureté et une grande tendresse.

Restez vivants !
Ce que ce non-texte montre parfaitement, c’est la puissance des fantasmes qui nourrissent des  personnages qui se cherchent, se perdent et se retrouvent. On est toujours le marginal de quelqu’un d’autre. Ajoutons un jeu d’acteur réglé au cordeau, une bande-son d’une grande efficacité, des décors et costumes scintillants, saisissante étrangeté des masques. La deuxième partie plus chorale que la première se termine par une injonction collective  valable pour tous : Restez vivants !

Le spectacle a ému et a plu, suscitant une salve d’applaudissements nourris et une mini standing-ovation.

Ce soir samedi 1er Février à Châteauvallon dernière représentation de « Moins 40° sous zéro » texte de Copi avec Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Alexandre Éthève, Lionel Lingelser, François Praud. Mise en scène Louis Arène. Production Munstrum Théâtre/ Coproduction La Filature, Scène nationale – Mulhouse ; Châteauvallon, Scène nationale et CPPC Théâtre de L’Aire Libre, Rennes.

Jean-François Principiano

 

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