La musique au-delà des notes
Dimanche 27 février à 16 h une des musiques les plus raffinées du répertoire classique résonnera sur la colline inspirées : les derniers quatuors de Beethoven interprétés par Ami Flammer, Paul Serri, Michel Michalakakos et Diana Ligeti. Un moment rare que les mélomanes varois sauront certainement déguster à sa juste valeur. Deux heures de musique pure pour plonger dans l’univers beethovénien. Ce concert qui devait être donné l’an dernier a été victime comme tant d’autres de l’épidémie. Il nous revient heureusement.
La musique d’un sourd qui entendait l’infini
Le grand compositeur allemand était déjà complétement sourd lorsqu’il a écrit ces pages immortelles qui sont sans doute dépositaires de sa pensée ultime. Un testament à la fois musical et humaniste. Les 14e, 15e et 16e quatuors seront donnés au cours de ce concert-fleuve.
L’opus 135 (le 16e quatuor), la dernière œuvre que Beethoven ait terminée, surprend par son architecture très particulière, éthérée, produisant une impression étrange, presque déséquilibrée, (son célèbre Lento assai, cantante e tranquillo) profondément novateur, à l’inverse de l’opus 132 (le 15e quatuor), considéré par les spécialistes comme le chef d’œuvre du compositeur, prenant son essor formel dans une structure d’un classicisme sublimé.
À partir de 1823 et jusqu’à sa mort en 1827, c’est donc au quatuor à cordes qu’il consacre son art. Emmuré dans le silence, c’est par ces quatre instruments, les deux violons, l’alto et le violoncelle qu’il offre à l’humanité un témoignage de courage et d’espérance. Ces partitions sont toutes d’une exceptionnelle qualité, témoignant à la fois des souffrances et des visions d’un avenir fraternel. Seuls les quatuors de Bela Bartok auront la même force.
Un violon historique
Le public aura en effet le privilège de voir et d’entendre un instrument qui existait déjà à l’époque de Beethoven. Le violon d’Ami Flammer fête ses 301 ans ! Il s’agit d’un Guarnerius del Gesu qui a appartenu à Ignaz Schuppanzigh, grand violoniste et ami de Beethoven. Les derniers quatuors du compositeur furent créés sur cet instrument construit en 1720 en Italie. Avant Beethoven, le répertoire du quatuor pouvait être encore abordé par des amateurs de bon niveau et par des professionnels avec peu de répétitions. Les quatuors de Beethoven ont introduit beaucoup de nouvelles difficultés techniques qui ne pouvaient être surmontées qu’en y consacrant le nombre de répétitions nécessaires.
Quand Schuppanzigh se plaignait auprès de Beethoven sur un passage présentant une difficulté particulière, Beethoven lui répliquait : « Pensez-vous que je pense à votre misérable violon lorsque la muse s’empare de moi ? ». Bien sûr il parlait de l’instrument en général et non pas du violon d’Ami Flammer…Ah ces génies !…
Ami Flammer un violon sous les doigts
Il y a quelques années Ami avait écrit ses mémoires sous le beau titre Apprendre à vivre sous l’eau. Né à Metz en 1953, il retraçait non seulement son parcours musical, mais aussi l’histoire de sa famille marquée par les persécutions antijuives. Les parents de son père, Maurice Flammer, originaires de Russie, avaient trouvé refuge en France avant la Première Guerre pour fuir les pogroms. Sa mère, Tamar Rabin, née en Roumanie, puis déportée en Ouzbékistan (par les Soviétiques), émigra en France au lendemain du deuxième conflit mondial. L’artisan qui signa le violon d’Ami Flammer est de la deuxième génération de Guarnerius. Il se prénommait Giuseppe-Giovanni et était le fils d’Andrea Guarneri, fondateur de la fabrique. Ce violon a appartenu précédemment à Christian Ferras (1933-1982), immense violoniste français et qui fut également l’un de ses professeurs. On peut dire que si ce violon pouvait parler il pourrait nous raconter aussi ses mémoires…
« Ce sourd entendait l’infini » Hommage à Beethoven par Ami Flammer Dimanche 27 février 16h. Châteauvallon – Liberté.fr Tel 09 800 840 40
Jean François Principiano