C’est une curieuse pièce de théâtre que ce Marivaux-là ! Labellisé du nom prestigieux de Denis Podalydes qui signe la mise en scène, le spectacle a été boudé par une partie de la critique jugeant les comédiens au-dessous des espérances escomptées. Il faut dire que la pièce est en parfait décalage avec notre époque!
Phocion, jeune princesse s’introduit dans les jardins du philosophe stoïcien Hermocrate dans le but de rendre le pouvoir à Agis héritier légitime du trône, dont elle est tombée amoureuse au détour d’un bosquet dans l’épaisse forêt.
Par le jeu du travestissement et ne reculant devant aucune cruauté, Phocion et sa servante Corine utiliseront toutes les armes du langage amoureux pour séduire hommes, femmes, afin de conquérir l’être aimé enfermé sous l’influence d’Hermocrate. Chacun à la sortie de ce jardin « philosophique » sera révélé dans ses propres désirs. Triomphe de l’amour sur le mensonge par le mensonge. Triomphe de la jeunesse sur les anciens. Une Utopie psycho sociale qui permet toutes les expériences (pas toujours heureuses) de mise en scène. Denis Podalydés bouscule l’histoire et les costumes pour en donner une version psychanalytique qui a étonné. Il dit : « Marivaux regarde de tout près comment agit le désir amoureux : d’où ça part, ça monte, comment ça vient aux lèvres, comprimé, réprimé, comment ça se trahit d’une manière ou d’une autre, comment ça éclate. C’est l’aveu impossible et qui jaillit pourtant. Un tout petit mot, un petit rien, et ce petit rien fait vaciller le monde. » Le public découvrira. Par contre la musique interprétée par cet incomparable artiste qu’est Christophe Coin a fait l’unanimité.
Marivaudage toujours
Les ruses du langage, de l’amour et de l’amour-propre, les subtiles dissertations sentimentales des personnages de Marivaux sont la matière même de l’intrigue. Par l’emploi éminemment théâtral qu’il fait des thèmes du déguisement et du masque, Marivaux se place dans le droit fil de la tradition italienne de la commedia dell’arte à ceci près que le masque joue dans son théâtre le rôle de révélateur et qu’il est préoccupé, à travers le jeu même, par la recherche de la vérité.
Au XVIIe siècle, le succès de Marivaux ne fut jamais éclatant: les Comédiens Français et leur public lui firent longtemps grise mine. D’autre part Marivaux s’est toujours tenu à l’écart du clan des philosophes. Tout l’opposait à Voltaire qui lui reprochait de « peser des œufs de mouches dans des balances de toiles d’araignées ». Mais au contraire, de nos jours, ce marivaudage nous convient mieux. Il nous semble que nous rencontrons en lui un contemporain, qui aurait écrit pour nous, voici deux siècles les mille et un tourments de nos passions. Éternelles.
Jean François Principiano
Le Triomphe de l’Amour de Marivaux. Les 20 et 21 juillet Châteauvallon Amphithéâtre à 22h.
Infos 04 94 22 02 02. et WWW.chateauvallon.com
Photos Le triomphe de l’amour de Marivaux dans la mise en scène de Denis Podalydés.