Carburants : prix, coûts, et bénéfices pour l’État

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Loïk Le Floch-Prigent

Pour chaque litre acheté l’État prélève plus d’un euro, c’est-à-dire le prix jugé insupportable par les Gilets jaunes d’hier !

Tandis que l’on nous promet un avenir radieux avec la généralisation du véhicule électrique, le prix du carburant pour les véhicules explose. La dernière fois l’augmentation des taxes avait suscité la révolte des Gilets jaunes qui a fait vaciller le pouvoir. Mais cette fois-ci tout le monde se tait puisque l’on a montré du doigt la guerre en Ukraine alors que des sommets inenvisageables hier ont été atteints.

Sur un produit dont le prix était encore hier autour d’un euro le litre, on finit par remercier le Groupe Total de nous annoncer un plafonnement pour 2023 à 1,99 euro !

La mémoire, l’analyse, le bon sens ont-ils à ce point déserté le pays pour que si peu de commentateurs fassent remarquer que les taxes prélevées désormais sur les produits pétroliers ont dépassé l’euro, c’est-à-dire que c’est bien l’État qui profite du prix élevé payé par tous les automobilistes et non pas les raffineurs et distributeurs. Pour chaque litre acheté l’État prélève plus d’un euro, c’est-à-dire le prix jugé insupportable par les révoltés d’hier !

Quand on ajoute à ce constat celui du prix de l’électricité qui a atteint des sommets ces derniers mois dans l’incompréhension totale de tous les consommateurs, en particulier les artisans et les industriels, on se doit de réfléchir à ce paradoxe qui voudrait que l’État veuille se séparer des véhicules thermiques qui alimentent son budget tandis qu’il nous entraîne vers des véhicules électriques sans avoir maitrisé ni la montée de la production d’électricité ni le prix auquel ils pourront les alimenter !

Tout semble indiquer que l’État utilise à fond la vache à lait actuelle du moteur thermique, se gave de taxes pétrolières, tandis qu’il condamne l’avenir de cette manne en lui substituant un produit dont il dénonce la pénurie potentielle de l’alimentation sans bien savoir quel profit pour son budget il pourra en tirer.

On maltraite les consommateurs actuels mais l’avenir est opaque. On peut donc parler de politique de gribouille tandis que l’on exhorte les producteurs, raffineurs et distributeurs de produits pétroliers à « faire des efforts » comme s’ils étaient responsables du premier euro des taxes prélevées !

Prenons donc un peu de hauteur

Les énergies fossiles fournissent aujourd’hui plus de 80 % de l’énergie consommée dans le monde.

Les alternatives ne sont pas nombreuses, elles tournent autour de l’énergie nucléaire et de l’utilisation de l’eau, du soleil et du vent sans oublier la géothermie et l’utilisation des déchets de toutes sortes. Bien évidemment, il faut lutter contre les gaspillages et améliorer les rendements, ce qui représente une des activités majeures aujourd’hui de la science, de la technique et de l’industrie.

Notre pays s’est engagé dans une politique suicidaire d’éradication des fossiles en affaiblissant les alternatives qu’il avait développées, le nucléaire et l’hydraulique, et en souhaitant faire confiance à des sources d’énergie intermittentes, le solaire et l’éolien, qui ne répondaient en rien à nos besoins de pics de consommation puisque dépendant du vent et du soleil !

En fait, sans le dire vraiment, nous avons engagé le pays dans une politique de décroissance, décroissance industrielle en parallèle à décroissance de production énergétique. On a beau jeu de célébrer aujourd’hui une nécessité de « sobriété », mais ce sont les risques de pénurie que nous constatons en incitant au changement de « modes de vie ».

Et la politique d’augmentation des prélèvements partout où c’est possible ne mène nulle part ; elle appauvrit les entreprises, les font disparaître, réduit l’activité, réduit les salaires réels et donc le pouvoir d’achat, et surtout n’engage pas la réforme essentielle, celle de la réduction du train de vie de l’État, réduction des bureaucraties, réduction des normes et règlements, des contrôles, des sanctions et des punitions qui entravent la liberté et l’envie d’entreprendre.

L’augmentation non maitrisée des taxes sur l’énergie, qu’elle soit pétrolière, gazière ou électrique permet aujourd’hui à l’État de ne pas s’interroger sur les économies structurelles à effectuer d’urgence pour que notre pays puisse survivre en maintenant sa prospérité. La pédagogie indispensable à effectuer est celle des coûts actuels de l’énergie et du passage de ces coûts -factuels- aux prix qui sont demandés aux consommateurs, en mettant fin à la politique désastreuse des chèques et des boucliers.

Cette habitude est coûteuse, elle est aveugle et inefficace. C’est une politique de communication indigne d’un pays comme le nôtre. Il s’agit, non pas de satisfaire momentanément un électorat déboussolé par les peurs et les injonctions contradictoires mais d’engager l’avenir du pays sur la voie de l’énergie abondante, bon marché et souveraine, c’est-à-dire l’inverse de ce qui a été fait depuis bien longtemps.

Expliquons d’abord qui gagne quoi avec les prix actuels de l’essence, du gazole, du gaz et de l’électricité. Que chaque profession indique ce qu’elle fait payer au consommateur français et que l’État expose à la population tout entière combien il prélève et quel usage il en fait. Cette présentation pourrait permettre à la population de comprendre d’où l’on part et quels sont les enjeux : les automobilistes, les routiers, les industriels, les commerces, les artisans, tous ceux qui souffrent quotidiennement de voir leurs prix augmenter ont le droit de savoir de quelle façon leurs efforts contribuent ou non au bien commun et au redressement du pays. Pour l’instant chacun se sent dans la peau du « cochon de payant » sans perspective de rétablissement.

Loïk Le Floch-Prigent

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