C.H.I.T.S : Surcoût énorme des emprunts toxiques par René Fredon

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L’actualité spéculative, avec l’envolée du franc suisse (+20%) touche de plein fouet collectivités locales et hôpitaux publics dont les emprunts, le plus souvent à long terme, se retrouvent avec des surcoûts assez colossaux.

C’est le cas du centre hospitalier intercommunal Toulon-La Seyne qui avait mordu à l’hameçon d’emprunts à hauts risques proposés par Dexia (mais pas que) indexés sur l’évolution entre deux monnaies dont l’une, le franc suisse, s’avère particulièrement meurtrière.

La direction a toujours voulu minimiser les conséquences de ces prêts toxiques dont elle ne pouvait pas ignorer les risques, étant dotée de hauts cadres financiers peu vigilants en l’occurrence ou de trop bonne foi face à des « partenaires » plaçant leurs produits financiers comme de très bonnes affaires pour leurs clients.

Le résultat, publié sur le site <http://s0.libe.com/fremen/maps/carte-emprunts-toxiques/>, fait apparaître un surcoût global de 14 465 000 euros pour un total de

48 204 000 euros, soit un surcoût de 30,01% !

Un emprunt dit « Tofix dual eur chf fixe flexi« , structure complexe d’options sur taux de change, est-il précisé, d’un montant de 28 500 000 euros se retrouve lesté d’un surcoût de 13 187 000 euros +46,27% : considérable. Cet emprunt contracté en décembre 2 008 court jusqu’en février 2043.

Le second, de même nature, d’un montant de 19 704 000 euros, conclu le 1er avril 2009 ( ce n’est pas un poisson), se traduit par un surcoût de 1 278 000 euros +6,49%, il court lui aussi jusqu’en 2043.

Une situation qui découle directement de la dérugalion et de la privatisation de  notre système bancaire dont on mesure mieux aujourd’hui les dérives et leurs conséquences sur les finances publiques, donc les contribuables.

Le scandale de la filiale suisse de HSBC qui conseillait ses riches clients de se domicilier dans les paradis fiscaux, n’en finit pas d’illustrer les pratiques, hélas légales mais parfaitement immorales et préjudiciables aux Etats. 180 milliards d’euros échappant aux devoirs fiscaux des déposants !

Concernant les emprunts toxiques aux collectivités et hôpitaux, ils ont été placés par Dexia qui a fait faillite car impliquée aussi dans le scandale des subprimes parti en 2007 des Etats-Unis et qui a déclenché la plus grande crise financière depuis près d’un siècle à l’échelle mondiale dont nous sommes loin d’être sortis.

Aujourd’hui c’est l’État qui est chargé de gérer le passif de l’ex-banque publique franco-belge et qui, avec les fonds publics, va devoir intervenir pour atténuer les pertes des dites collectivités. Dans un contexte financier de super-austérité, justement parce que les intérêts prélevés par les banques privées et les risques qu’elles font courir à leurs souscripteurs publics ont des conséquences catastrophiques sur leurs budgets. Donc sur leur fonctionnement et la qualité des soins.

L’indexation des emprunts sur le franc suisse et ses fluctuations ne date pas d’aujourd’hui mais de 2008/2009, s’agissant des deux emprunts du CHITS comme de la plupart d’ailleurs.

Le directeur de la Fédération hospitalière de France (FHF), appelle à l’aide urgente de l’Etat. Toulon fait partie des hôpitaux les plus pénalisés avec Saint-Etienne, Dijon, Rambouillet, Rodez…Le secrétaire d’Etat au budget aurait entendu le message.

L’encours des emprunts toxiques de l’ensemble des hôpitaux publics se monte à 1,5 milliard d’euros et l’enchérissement du franc suisse ajoute 0,5 milliard à l’addition !

L’Etat il y a un an, a mis en place un fonds de soutien de 1,5 milliard sur 15 ans pour les collectivités locales et seulement de 100 millions pour les hôpitaux. Ce sont les hôpitaux eux-mêmes qui le financent à travers un prélèvement effectué sur les prévisions de dépenses de l’assurance maladie. Autrement dit sur les cotisations sociales !

À quoi servent les banques de garantie figurant dans les contrats : JP Morgan et Deutsche Bank, s’agissant des deux prêts du CHITS ? Elles sont destinées à couvrir les risques au cas où les débiteurs seraient défaillants. Ce qui est très rare pour les collectivités publiques. Elles ne le seraient pas si c’est le prêteur -la banque- qui fait faillite ? Il est vrai que les banques privées ont été sauvées par les fonds publics et que c’est même à l’origine de l’endettement des Etats.

Voilà une question que la direction de l’hôpital devrait poser à la justice à moins qu’elle ait choisi de négocier avec l’État qui n’en peut mais et qui a fait voter une disposition dans la loi de finances interdisant aux collectivités d’ester en justice sous peine de se passer du fonds de soutien.Lequel n’avait pas prévu cette nouvelle ponction sur les budgets publics déjà passablement allégés.

On attend avec curiosité la communication de la direction du CHITS. Comme quoi ce ne sont pas les salaires des infirmières et de l’ensemble des personnels hospitaliers qui plombent les finances et la santé publique.

Ce qui est ringard et condamnable c’est de laisser filer la spéculation et les pratiques qui la perpétuent, tout en promettant qu’on va y mettre un terme…mais qu’on ne peut pas le faire seuls. Donc on continue en suivant le troupeau des conservateurs patentés qui nous mènent en bateau.

Et on s’étonne que la société se délite ! Il y a pourtant mieux à faire qu’à se résigner. A résister au libéralisme en déclin et à construire dans l’union la plus large, une alternative de progrès social et écologique, de justice, d’égalité.

Les vraies valeurs de gauche, ça existe.

René Fredon

2 COMMENTS

  1. La FHF prend acte de la décision conjointe des ministres de la Santé et des Finances portant à 400 millions d’euros sur 10 ans le fonds de soutien aux hôpitaux fragilisés par des emprunts toxiques, notamment ceux indexés sur l’euro-franc suisse.

    La FHF avait estimé à 500 millions d’euros le besoin d’évolution de ce fonds pour passer ce cap difficile, et à 3,5 milliard d’euros la sortie définitive des emprunts toxiques hospitaliers. Cet engagement gouvernemental, s’il apaise momentanément la situation, ne met pas un point final à cet épisode douloureux pour les établissements de santé.

    La FHF se félicite que les banques soient directement mises à contribution (300 millions d’euros), reconnaissant ainsi leur pleine responsabilité dans la commercialisation de produits financiers à haut risque.

    La FHF retient également l’engagement du gouvernement et de la société de financement local (SFIL ex. DEXIA), détenteur de 70% de l’encours des emprunts toxiques hospitaliers, de ne pas modifier les annuités de remboursement, et neutraliser ainsi la montée brutale du franc suisse.

    Elle demande qu’il en soit de même pour les autres banques qui ont commercialisé ces produits illisibles et dangereux.

    Elle suivra avec attention l’engagement du secrétaire d’Etat au budget monsieur Christian Eckert qui doit proposer par modification législative, le déplafonnement de l’aide actuellement fixée à 45% de l’encourt de la dette en cas de remboursement anticipé.

    Frédéric VALLETOUX,
    Président de la FHF

    Gérard VINCENT,
    Délégué général

  2. Les menaces de la FHF

    La déclaration de la Fédération hospitalière de France, confirme l’ampleur du surcoût des emprunts toxiques souscrits par les hôpitaux publics à partir des années 2008, c’est-à-dire après la crise des subprimes. Plus d’un demi-milliard d’euros, rien que pour les hôpitaux !

    Dommage que la FHF ne s’en prenne qu’au franc suisse et non à la spéculation avec les fonds publics. Ce qui suppose l’entière responsabilité des majorités politiques au pouvoir depuis une trentaine d’années décidant de la dérégulation et de la privatisation de notre système bancaire, inscrites dans les orientations de l’Europe libérale censée nous protéger.

    Avec les conséquences que l’on sait sur le surendettement des Etats contraints de « sauver » les banques privées sans en nationaliser une seule ! Sous l’ère Sarkozy, l’endettement est passé de 1100 miliards à 1700 milliards d’euros. Depuis 2012, il s’est encore accru de 300 milliards, dépassant les 2000 milliards, doublant pratiquement en huit ans.

    Comment se fait-il que la FHF n’ait pas alerté ses cadres financiers sur les risques encourus en signant de tels contrats spéculatifs. Ce n’est pas faute d’y avoir été invitée par des parlementaires, notamment du Front de Gauche et quelques autres, qui ont régulièrement dénoncé les dérives de notre système bancaire.

    Elle découvre -ou feint de découvrir- « que les intérêts des hôpitaux et des Français ne soient sacrifiés au profit des intérêts des banques… » et menace de geler le remboursement des intérêts, parlant au nom de tous les hôpitaux. Elle va également saisir la Cour de justice européenne et demande au gouvernement de lever l’interdit de recours en justice contre les banques.

    Observons que peu de directions d’hôpitaux avaient contesté devant la justice les emprunts toxiques qu’elles avaient souscrits. Il a fallu l’envolée du franc suisse pour que l’affaire prenne de telles proportions. Avant, les surcoûts étaient moindres mais très élevés et on cherchait à les minimiser. C’est donc qu’on n’en contestait pas le principe spéculatif !

    Bossuet disait : « Dieu rit encore des gens qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »

    René Fredon

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