Var : Souveraineté alimentaire, le département en grande précarité

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Au lendemain du Salon de l’agriculture et alors que la tension dans le monde agricole est toujours palpable, le Sénat vient d’adopter jeudi 20 février la loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
Dans son 4ème rapport sur l’état des terres agricoles en France publié lundi 17 février, Terre de Liens révèle que la France a perdu la capacité à nourrir sa population. En l’état, la nouvelle Loi va encore aggraver 75 ans de déconnexion politique entre agriculture et alimentation. Cette situation est particulièrement criante dans le département du Var dont l’agriculture est principalement tournée vers la production de vin et où le nombre d’exploitations ne cesse de se réduire d’année en année.

2100 m2 de terres par habitant, là où il en faudrait le double
Avec un potentiel nourricier de 130 %, la France dispose en théorie d’assez de terres agricoles pour nourrir sa population. Mais dans son nouveau rapport sur l’état des terres agricoles, Terre de Liens révèle que cette prétendue souveraineté alimentaire est aujourd’hui réduite à une chimère politique. Tandis qu’elle exporte la production de 43 % de ses terres (12 millions d’hectares), la France importe aujourd’hui l’équivalent de 10 millions d’hectares de terres, la surface de l’Islande, pour notre alimentation. Dans ces conditions, en France, la surface de terres nourricières est réduite à 2 100 m2 par habitant, quand il en faudrait le double pour nourrir une personne.

Ultra-spécialisation des territoires, pression accrue sur les terres, agriculteurs qui mettent la clé sous la porte, cette orientation à marche forcée de notre agriculture a considérablement modifié le visage de la ferme-France.

Le département du Var est dans une situation de précarité encore renforcée.
Malgré sa taille, le département ne compte que 12% de surfaces agricoles, ce qui est le chiffre le plus faible de toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. À l’inverse, 12 % des sols du département sont artificialisés et le Var est devenu l’année dernière le deuxième département le plus peuplé de la région, devant les Alpes maritimes. Principalement tourné vers la production de vins, le territoire ne permet pas de nourrir sa population, ce qui présente un enjeu majeur en termes de sécurité alimentaire. A l’heure actuelle, dans notre département, seulement 6% des habitants pourraient être nourris par la production des agriculteurs varois. Nous avons donc perdu notre capacité à nourrir notre population et sommes dépendants d’autres territoires pour assurer nos approvisionnements. La situation ne s’arrange hélas pas puisqu’en cinq ans, 1663 hectares ont été artificialisés, ce qui aurait pu nourrir 2600 personnes.

Ceci a pour effet d’accentuer la pression foncière sur des terres vitales pour notre sécurité alimentaire, le prix du mètre carré agricole pouvant aller jusqu’à 12 € dans la métropole toulonnaise ou dans le golfe de Saint-Tropez, ce qui représente un problème pour l’installation de jeunes agriculteurs et, ensuite pour la rentabilité des exploitations.

Agriculture et alimentation, 75 ans de déconnexion politique
D’un côté de la chaîne, les agriculteurs·trices crient leur désespoir d’un revenu indigne face à la concurrence mondiale. De l’autre, la précarité alimentaire des Français augmente et les conséquences de notre alimentation sur notre santé se chiffrent en milliards .
Dans son rapport, Terre de Liens dresse un état des lieux effarant : entre agriculture et alimentation, 75 ans de déconnexion politique ont conduit à la situation que nous connaissons aujourd’hui. À l’heure où la France entend se doter d’une loi d’orientation agricole pour “préserver” sa souveraineté alimentaire, Terre de Liens appelle le gouvernement à prendre acte que cette dernière n’est plus. Ce dont il s’agit aujourd’hui, c’est de mettre en cohérence production agricole et besoins alimentaires, de toute urgence. Les leviers sont éminemment politiques :
– La PAC, dont aujourd’hui 20 % des plus gros bénéficiaires perçoivent 51 % des aides directes, encourage une production industrielle tournée vers le commerce international, au détriment de la durabilité des systèmes. Il est impensable de maintenir en l’état ce levier financier, qui représente en moyenne 74 % du revenu courant avant impôt des agriculteurs·trices, calibré de telle sorte qu’il nous prive de souveraineté alimentaire ;
– Les accords de libre-échange (Nouvelle Zélande, CETA, Mercosur) accroissent les kilomètres entre le champ et l’assiette, faisant perdre de vue où et comment est produite l’alimentation. Il est temps d’en finir avec la mauvaise foi du gouvernement qui a signé des dizaines de traités de libre-échange ;
– Les acteurs de l’aval (transformation, distribution) reçoivent chaque année 16,4 milliards principalement sous forme d’exonérations fiscales et de cotisations sociales. Or, ces acteurs orientent considérablement la production agricole. Ces exonérations fiscales représentent donc un levier important de politique publique.
– Le départ massif à la retraite des agriculteurs entraîne la disparition de 200 fermes par semaine en France. Avec seulement 4400 exploitations agricoles, le Var suit malheureusement cette même tendance. La population des agriculteurs est vieillissante et se réduit inexorablement, les exploitations s’agrandissent, ce qui les rend plus difficiles à transmettre. Une autre politique d’accès à la terre et d’installation doit voir le jour sans plus tarder pour remplir les objectifs de la France de renouvellement des générations.

En l’état, la loi qui vient d’être adoptée jeudi dernier passe à côté de son objectif : des terres et des agriculteurs·trices pour une souveraineté alimentaire préservée. Sans moyens sur l’enjeu de renouvellement des générations et de la résilience des fermes (le long terme qui devrait être central dans une loi d’orientation), elle a fait semblant de donner des gages aux agriculteurs•trices par un abaissement généralisé des normes qui ne règlera pas leur problème de revenu et consacre dans le même temps une vision de la souveraineté alimentaire calquée sur la balance commerciale de la France.
Par cette loi, on continue de sacrifier les agriculteurs sur l’autel de la concurrence mondiale et on valide notre dépendance accrue aux importations (engrais, soja, gaz, etc.).

Terre de Liens c’est quoi?

Liens et accès
Téléchargez le rapport et sa synthèse.
Les chiffres territoriaux sont issus de territoiresfertiles.fr, plateforme développée par les Greniers d’abondance, Terre de Liens, la FNAB et le Basic.

Sophie Motreuil,

[1] En 2024, le coût de la mauvaise alimentation est estimé à 12,3 milliards d’euros pour le système de santé.

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