Le 21 février 1944, les 23 résistantes et résistants FTP-MOI du Groupe Manouchian sont exécutés. Ils étaient immigrés, juifs, communistes, ils sont morts pour la France, ils sont la France.
Aujourd‘hui le 21 février 2024 Missak Manouchian accompagné de son épouse Mélinée, sur décision de M. Emmanuel Macron, Président de la République, entrent au Panthéon.
Missak Manouchian
Poète et combattant, Arménien, Français de cœur, communiste et admirateur de la Révolution française, Missak Manouchian était un homme aux identités multiples. Ce rescapé du génocide des Arméniens de 1915, qui le laisse orphelin, joue, dans les années 1930, un rôle important dans l’organisation politique des Arméniens en France, notamment aux côtés de Mélinée qui forme avec lui un couple fusionnel.
Son attachement à la France, lié notamment à son intérêt pour la culture française, naît dès ses années de formation à l’orphelinat francophone qui l’accueille près de Beyrouth, avant qu’il rejoigne Marseille en 1924, puis Paris. Pendant la Seconde guerre mondiale, son engagement dans la lutte armée le conduit à prendre, en août 1943, la direction des Francs-Tireurs et Partisans parisiens de la Main d’Œuvre Immigrée (FTP-MOI) qui mènent des actions spectaculaires dans Paris occupé. Traqués par la police parisienne, ils sont arrêtés et livrés aux Allemands, qui accompagnent le procès d’une campagne xénophobe, antisémite et anticommuniste. C’est le procès de « l’Affiche rouge ».
Les dernières lettres des condamnés à mort témoignent de l’universalisme qui anime leur combat. Celle, poignante, que Missak adresse à Mélinée*1 entre dans la postérité à travers une chanson de Léo Ferré, composée à partir d’un poème de Louis Aragon.
Mélinée Manouchian
Mélinée Soukémian n’a que deux ans au moment du génocide. Orpheline elle aussi, elle vit à Constantinople. Placée avec sa sœur, Arménouhie (Armène), dans un orphelinat américain près de la capitale, elle rejoint la Grèce après la victoire de Mustafa Kemal Atatürk. Elles prennent le nom d’Assadourian suite à une erreur d’enregistrement et quittent la Grèce pour Marseille en 1926 avec les élèves de l’école Tebrotzassère. L’école s’installe en 1929 au Raincy, dans la banlieue parisienne. Mélinée rencontre Missak en 1934 lors de la fête du HOK (comité d’aide à l’Arménie) créé à Erevan, en URSS, pour encadrer la diaspora.
Pendant la guerre, Mélinée travaille à l’usine ou comme comptable et mène, notamment avec son amie Louisa Aslanian, des actes de résistance : rédaction et diffusion de tracts, aide matérielle aux résistants, rédaction des comptes rendus des actions menées par les FTP-MOI quand Missak en devient le chef militaire. Après l’arrestation de ce dernier, elle reste cachée de longs mois et n’apprendra son exécution que tardivement. En 1945, Mélinée part en Arménie soviétique. Elle y fait publier en 1956 un recueil de poèmes de Missak Manouchian.
De retour à Paris en 1964, elle n’a de cesse, jusqu’à sa mort en 1989, d’œuvrer à perpétuer la mémoire de Missak Manouchian et des « combattants de la liberté ».
source Panthéon
NE LES OUBLIONS JAMAIS.
Un conseil, regardez le film « L’Armée du crime » de Robert Guédiguian qui raconte l’histoire de Missak Manouchian
*1 Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je m’étais engagé dans l’Armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense.
Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous… J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération.
Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait de mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine.
Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.
Manouchian Michel
P.S. J’ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène.
