Cancers de l’oropharynx : et si c’était le papillomavirus …

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L’alcool et le tabac ne sont plus les premiers facteurs de risque des cancers de l’oropharynx – et donc des amygdales et de la base de la langue. Le papillomavirus est en cause dans 45 % des cas en France. Point positif : il répond bien aux traitements, que ce soit la chirurgie ou la radio-chimiothérapie. Seule prévention possible : la vaccination pour les filles mais aussi pour les garçons.

Depuis six ans, le Dr Bruno Guelfucci voit se multiplier les cas de cancers de l’oropharynx dans le service qu’il dirige à l’Hôpital Sainte-Musse. Un cancer qui évolue à bas bruit et n’est en général pas douloureux. Parfois, c’est un ganglion cervical qui inquiète le médecin traitant ou l’ORL, parfois, c’est une angine qui résiste à tous les traitements, et parfois, dans les cas avancés, le patient se plaint d’une gêne pour déglutir. Grâce au travail en réseau que le service ORL de l’hôpital a développé ces dernières années, les médecins libéraux – généralistes ou spécialistes – savent qu’ils peuvent adresser leur patient à l’hôpital pour une confirmation rapide du diagnostic et une prise en charge efficace.

-« Personnellement, je conseille une hospitalisation de 48 h pour réaliser tous les examens – cytoponction, IRM, Scanner, endoscopie sous anesthésie générale. Le cancer primitif peut être très petit, et un pet-scanner est alors nécessaire pour le mettre en évidence, souligne le Dr Guelfucci. « Le papillomavirus, responsable de ce cancer, est généralement présent depuis de nombreuses années… et les amygdales (palatines ou linguales) constituent un réservoir idéal.»

DSC02263Les docteurs Guelfucci et Bizeau, entourés par une équipe motivée.

Pourquoi le papillomavirus ?
Après ce premier bilan, l’annonce se fait dans le bureau du chef de service, ou d’un médecin du service, en présence du patient et d’un membre de sa famille, ou d’une personne « de confiance », et «si possible, pas le vendredi soir, insiste le Dr Guelfucci, « pour éviter l’angoisse d’un week-end, quand personne ne peut répondre aux questions du malade… »
Un malade qui connaît le papillomavirus, dont on parle beaucoup dans les cas de cancers du col de l’utérus chez la femme ; un malade qui est souvent marié, et ne multiplie pas forcément les rencontres à risque ; un malade qui a généralement moins de 60 ans, ne fume pas et n’a pas de dépendance à l’alcool…
« Il ne s’agit pas d’une IST (infection sexuellement transmissible) dans une population exposée, mais des conséquences d’une pratique qui peut dater de 30 ou 40 ans, quand on découvrait la liberté sexuelle ! » explique Le Dr Guelfucci . Fort heureusement, il peut « adoucir » le choc de l’annonce en précisant que les cancers de l’oropharynx liés au HPV répondent mieux aux traitements que les cancers non liés au papillomavirus, causés par l’alcool ou le tabac.
La France n’est pas une exception : on compte 600 000 nouveaux cas par an, dans le monde, et le pays le plus touché est la Suède.

Opération et reconstruction
Une fois le diagnostic posé, le dossier du patient va passer devant un Comité de cancérologie, qui comprend, à coté des spécialistes du service, un radiothérapeute, un oncologue, un anatomo-pathologiste, un radiologue, un médecin de médecine nucléaire, un cadre infirmier : la décision du traitement sera prise de façon collégiale.
-«  Le patient bénéficiera soit d’une chirurgie d’exérèse et de reconstruction de l’oropharynx, qui peut être complétée par radiothérapie ou radio-chimiothérapie, soit d’un traitement par radio-chimiothérapie exclusive. Il faut savoir que l’opération dure 8 h et l’hospitalisation entre 15 jours et 3 semaines.  Le suivi sera de 5 ans, en lien avec les ORL de ville qui participent activement à la prise en charge du patient. La plupart des patients peuvent reprendre une activité professionnelle. »

Si la prise en charge thérapeutique est bien codifiée, ce cancer met face à deux challenges             -sélectionner les patients pour proposer des doses plus faibles de radiothérapie et de chimiothérapie, afin de diminuer les séquelles et les effets secondaires du traitement                                                               -développer la prévention qui passe par la vaccination anti HPV des filles et des garçons

Nouvelles stratégies
De nouvelles stratégies thérapeutiques se développent, en particulier au CHITS :
-la «chirurgie minimale invasive » avec l’apport du robot chirurgical, dont le CHITS va se doter au mois d’avril prochain. Cette prise en charge permettra une exérèse chirurgicale sûre et une reprise précoce de la déglutition
-l’immunothérapie dans la prise en charge de ce type de cancer : le CHITS, en partenariat avec l’Institut Paoli Calmettes, participe à une étude préliminaire. Les premiers patients ont été inclus cette année.
« La seule « arme » pour prévenir ce type de cancer, c’est le vaccin » assure le Dr Bruno Guelfucci. « En France, on vaccine les jeunes filles, avant leur premier rapport sexuel, mais avec réticence. Dans les pays anglo-saxons, on vaccine aussi les jeunes garçons. Personnellement, j’ai vacciné mes enfants, le garçon comme la fille car il n’y a pas de dépistage possible de ce type de cancer. Et quand on sait que le papillomavirus (toutes souches confondues) touche 80 % de la population en activité sexuelle, il n’y a pas d’hésitation possible ! »
N.F.

Tableau d’honneur : Le service d’ORL du CHITS, dirigé par le Dr Bruno Guelfucci et son adjoint, le Dr Alain Bizeau, est classé 8ème au niveau national (et premier pour un établissement non universitaire) par notre confrère l’Express, pour la prise en charge chirurgicale des cancers des voies aérodigestives supérieures.

Papillomavirus : Il existe 200 génotypes de papillomavirus qui infectent les hommes comme les animaux. Très contagieux, le HPV (Human PapillomaVirus) peut rester silencieux pendant des années, sans symptôme apparent. Tous ces virus n’induisent pas des cancers : seules 16 souches sont oncogènes.

Le Dr Guelfucci répond aux questions que l’on peut se poser
Qu’est ce que l’HPV? Il s’agit d’un virus commun affectant la bouche et les zones génitales. Infraclinique la plupart du temps. Certains sujets déclarent l’infection, d’autres déclarent un cancer. On ne peut déterminer quels sont les patients prédisposés.

Comment l’attrape-t-on? Pour les HPV à haut risque, le contact est sexuel. On pense que les rapports pro-génitaux sont à l’origine des cancers HPV induits. Implication du baisier profond….

Est-ce que je suis contagieux? Les risques que votre partenaire sexuel développe un cancer HPV induit sont faibles. Pas de précaution particulière par rapport à votre partenaire habituel.

Peut-on guérir mon affection HPV? Non, aucun moyen actuellement.

Quel est le risque de développer un autre cancer HPV? Faible

Dois je me faire vacciner? et ma famille? Ce vaccin est effectif avant la contamination par HPV, donc avant le début de l’activité sexuelle. Aucun intérêt pour le patient et son partenaire

 

 

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