Un quinquennat d’ambitions déçues

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Afin de répondre à la crise du logement, le candidat Emmanuel Macron souhaitait libérer le marché du logement pour déclencher un “choc de l’offre” et réduire le déficit de logements dans les zones tendues. Pour protéger plus spécifiquement les ménages les plus en difficulté, le candidat s’était également engagé à développer la politique du “Logement d’abord”, idée portée par le monde associatif depuis de nombreuses années, consistant à orienter le plus rapidement possible les personnes vers des solutions de logement pérennes plutôt que de les bloquer en hébergement d’urgence pendant de longues périodes. Concrètement, ce mot d’ordre s’est décliné en quelques objectifs plus précis pour le quinquennat : créer chaque année 40 000 places d’intermédiation locative, produire 10 000 places de pensions de famille, 40 000 logements très sociaux, et augmenter les attributions Hlm aux ménages sans domicile. Le plan quinquennal pour le Logement d’abord a été appliqué dans 46 territoires volontaires, a occasionné de nombreux débats et produit des expérimentations innovantes aux résultats prometteurs.

Toutefois, ces ambitions ont été rapidement déçues. L’élaboration et l’application des politiques publiques du logement n’ont pas été une priorité et se sont confrontées à une surdétermination par l’Intérieur et Bercy, sur un registre sécuritaire et budgétaire. Dès les premiers mois du quinquennat, des coupes budgétaires inédites ont été réalisées, au détriment des allocataires APL et des bailleurs sociaux. Ces orientations financières restrictives ont été prolongées tout au long du mandat, fragilisant les principaux outils de lutte contre le mal-logement et aggravant la chute de la production de logement social qui engage également la responsabilité des élus locaux. Pour le Logement d’Abord, au terme du quinquennat les objectifs ne sont clairement pas atteints, même si la fixation de ces objectifs a pu créer une dynamique certaine.

La survenue de la crise Covid en 2020 a déstabilisé le monde du logement, réduisant encore la production de logements, et accroissant les difficultés d’accès aux droits et à un toit pour les personnes en difficulté. Face à l’urgence, le gouvernement a augmenté les capacités du parc d’hébergement à des niveaux historiquement élevés prolongés pour la première fois en sortie de la trêve hivernale 2021 . Mais ce fut sans pour autant améliorer la qualité de ce dernier, qui reste aujourd’hui encore généralement sous doté du point de vue du nécessaire accompagnement social, saturé, et encore incapable de faire face au nombre très important de personnes à la rue. L’ouverture d’une discussion sur une approche pluri-annuelle des politiques de la rue, à l’hébergement et au logement en fin de quinquennat constitue un signal politique favorable mais qui reste à concrétiser du point de vue de la méthode de concertation et des moyens dégagés. L’aggravation des situations de pauvreté, la hausse de 25 % des expulsions de lieux de vies informels sans solution de relogement, l’abandon par certains préfets avec l’accord ou dans le silence du gouvernement d’approches concertées de la résorption des campements et bidonvilles comme à Montpellier ou à Lille, la politique de harcèlement au détriment d’un accueil digne et organisé à Grande Synthe et dans le Calaisis, et la reprise des expulsions locatives en 2021 contribuent à dégrader ce bilan.

Le plan de relance a été l’occasion d’avancées législatives et financières sur le plan de l’amélioration de l’habitat, même si les moyens restent toujours en deçà des enjeux. Malgré une prise de conscience certaine, trop peu de logements indignes sont rénovés chaque année dans l’hexagone et dans les départements d’Outre-Mer, et les rénovations énergétiques sont encore trop chères, mal accompagnées et peu performantes pour lutter efficacement contre la précarité énergétique. L’habitat mobile reste lui toujours disqualifié dans tous les dispositifs dédiés au logement, et la situation s’est aggravée depuis 2018 et le soutien gouvernemental à l’instauration d’une amende forfaitaire délictuelle pour installation illicite sur terrain d’autrui alors même qu’une minorité des départements respectent leurs obligations en matière d’accueil des “gens du voyage”.

Finalement, depuis 1984, l’effort public pour le logement n’a jamais été aussi faible : les aides au logement sont en effet passées de 1,82 % du PIB en 2017 à 1,63 % en 2020.

Fondation Abbé Pierre

 

 

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