Toulon : un quartier pavillonnaire livré à la spéculation

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Dans cette zone entre La Florane et le début des Bonnes Herbes, à la droite de la rue de Montserrat qui mène à Châteauvallon, il n’y a que des pavillons. Depuis toujours, aucun immeuble…jusqu’à ces derniers temps où la petite centaine de propriétaires vivant dans un écrin de verdure chèrement acquis, s’est vu approcher par un promoteur -en l’occurrence CIFP, basé en Avignon- prêt à payer un bon prix pour acheter leur propriété.

La plupart des propriétaires n’avaient pas l’intention de vendre et ne l’ont toujours pas. Mais voilà : quelques-uns ont déjà vendu, d’autres prêts à signer un compromis de vente, une large majorité est hostile à quitter une demeure à laquelle ils tiennent pour son environnement, son calme, son attrait…tout ce qu’elle représente, par son origine, sa situation, l’attachement qu’on lui porte, les sacrifices qu’il a fallu consentir, les améliorations qu’on y a faites.

Et puis, soudain, un inconnu arrive et vous invite très poliment à lui vendre votre bien, à un bon prix même, compte tenu de l’évolution de ceux de l’immobilier. Il faut bien créer l’incitation, le promoteur, c’est son métier, il a des idées derrière la tête. S’il insiste, c’est qu’il veut gagner de l’argent en achetant votre bien.  Il lui faut donc vous convaincre de le lui vendre à l’amiable, il ne peut y avoir d’expropriation car il n’y a pas d’intérêt public en jeu.

Comme il a des arguments sonnants et trébuchants le promoteur a déjà obtenu un permis de construire délivré par la ville pour un projet très concret en cours de commercialisation à un carrefour proche de la Florane, concernant une propriété de 8 000 m2 où se dresse encore une maison de maître en bon état donnant sur la rue Amiral Cellier !

Un collectif de 54 logements, en trois blocs T 2 et T 3, pas très haut certes (R+1), mais à 132 000/150 000 euros le T 2 de 38 m2 et 250 à 290 000 euros le T 3 de 55 à 70 m2 maximum, cela fait un prix de vente de l’ordre de 14 millions d’euros tout de même qui laissera une plus-value non négligeable. À un prix au m2 proche ou dépassant les 4 000 euros. On n’arrête pas l’escalade. La moitié est d’ores et déjà réservée pour une livraison fin 2020. « L’Amiral » résidence a beaucoup de succès.

Cette nouvelle co-propriété ne pouvant déboucher sur la rue Amiral Cellier, assez étroite, une entrée sera percée sur la rue de Montserrat qui a nécessité l’achat d’une autre propriété.

Ainsi a été planté le premier coin dans cette zone pavillonnaire qui risque fort de connaître un bouleversement de son aménagement initial resté intact pendant des décennies, jusqu’à ces derniers mois.

La centaine de propriétaires qui ne veulent pas vendre craignent les pressions qui déjà s’exercent sur eux pour d’autres projets. Ils n’apprécient ni la méthode, ni l’absence d’informations par la ville, sur la globalité du projet de ce même promoteur, dans la même zone exclusivement pavillonnaire. Il avait obtenu le feu vert des services de l’urbanisme qui n’ont pas crû devoir consulter les riverains -pourtant les principaux concernés- pour solliciter leur avis, les laissant seuls face à un (e) professionnel(le) de ce type de démarchage qui agit pour des intérêts privés.

Propriétaires qui découvrent le changement de vocation des parcelles une fois la première vente réalisée en toute discrétion, sa mise en vente sur plans devenue effective. On imagine aisément leur déception d’avoir été mis devant le fait accompli et de devoir contester la décision prise et son extension prévue. D’autant qu’une parcelle de 2 ha, au coeur de cette zone, permet d’entrevoir l’intérêt et l’usage qu’un promoteur peut en tirer, une fois un premier permis obtenu !

À l’initiative de plusieurs d’entre eux une pétition circule qui a déjà recueilli une cinquantaine de signatures de propriétaires. Texte qui s’élève « contre les méthodes plutôt sournoises et douteuses du promoteur…véritable manoeuvre d’encerclement militaire... » les poussant à ne plus pouvoir refuser l’offre qui leur est faite et qui va dévaluer leur bien tout en les faisant renoncer à un cadre de vie que  ces familles apprécient et qu’elles veulent conserver.

La pétition met l’accent sur « la stratégie du promoteur (qui) est de fusionner un maximum de terrains de façon à posséder  un bloc homogène, les parcelles éparpillées ne l’intéressent pas... » Et propose aux signataires de « s’opposer à l’annexion de votre propriété. »

Situation qui vaut pour la plupart des quartiers de la ville qui se densifient de manière intensive et irraisonnée, à la fois pour des raisons d’empiètement sur les zones naturelles et celles où domine un habitat diffus et pour des raisons de bétonnage excessif, cause aggravante d’inondations, sur les pentes qui entourent la ville, comme c’est le cas de cette zone située sur les pentes du Baou. Densification qui ajoute à la pollution.

Les propriétaires, légitimement inquiets par cette entreprise de réaménagement de leur quartier, à leur insu, semblent décidés à unir leurs efforts pour dissuader les promoteurs de porter atteinte à leur lieu de vie et à son environnement. Un collectif de défense est en gestation.

Ils ne veulent pas être le pot de terre contre le pot de fer. Ils ont aussi des droits et ne cherchent à léser personne. Seulement à être respectés et à résister aux spéculateurs, dans l’intérêt de tous. Chacun garde évidemment le droit de vendre son bien à un particulier (ou à plusieurs selon la surface) du moment que le cadre de vie de tous est respecté.

Une délégation va demander audience à l’adjoint en charge de l’urbanisme.

René Fredon

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