Tandis que les promesses succédent aux mea culpa, les hospitaliers ont très mal pris la proposition d’une … médaille le 14 juillet et celle d’une prime (variable selon les établissements et les catégories) qui leur hérisse sérieusement le poil et pas qu’aux soignants, très touchés par les applaudissements à 20 h 00, beaucoup moins par l’absence de réponses sérieuses concernant le relèvement des salaires, parmi les plus bas d’Europe, des effectifs et des moyens dont l’insuffisance est notoire.
Le chef de l’État ne vient-il pas de reconnaître « une erreur sur la réforme de l’hôpital« ! (Il n’est jamais trop tard). Mais peut-on appeler ça « une erreur » ? Quand, à longueurs d’années, les personnels soignants n’ont pas arrêté de dénoncer les pénuries découlant des budgets, en connaissance de cause, traduisant le mépris des personnels sous-payés et auxquels on impose des conditions de travail indignes qui se répercutent sur la sécurité des patients.
À la Salpétrière, Macron en a entendu des vertes et des pas mûres sur la réalité de la vie dans les hôpitaux, au bord de la rupture en ces temps de pandémie qui a d’autant révélé l’état des lieux que le pouvoir se refusait à admettre. Son choix politique consistait à sacrifier le service public hospitalier au nom des politiques d’austérité imposées à la population…sauf aux très riches.
Car leur objectif c’est de réduire les dépenses publiques pour répondre aux voeux du grand patronat, privatiser à outrance, encourager la performance financière et la spéculation, le rendement des capitaux. Bref, ils sont et restent soumis à la loi du marché.
Face à ses interlocuteurs, le président faisait le dos rond : » j’étais convaincu qu’on était en train de changer les choses…c’est très cruel pour moi-même…je n’ai pas envie qu’on revienne à l’étape d’avant…on va investir… » ajoutant un « il faut réorganiser l’hôpital… » lourd de sous-entendus.
On le plaint, assurément. Tout le monde a le droit de se tromper, non ? A moins que la situation ne le mette dans l’obligation de faire quelques concessions au moins verbales. Les hospitaliers se chargent de lui rappeler que ce ne sont ni des breloques, ni des primes qu’ils demandent en urgence, mais des actes concrets, un plan pour l’hôpital public qui prenne en compte tout ce qu’ils font semblant de découvrir.
En attendant, ils leur jettent quelques paroles d’empathie, histoire de les faire patienter mais déjà Olivier Véran a parlé d’en finir avec le tabou des 35 h ? L’un des thèmes favoris du MEDEF qui va jusqu’à demander le renoncement à une partie des congés payés ! Que voulez-vous, il va bien falloir payer les milliards d’endettement que l’Etat avance ou garantit pour amortir une crise économique déjà colossale ! C’est notre argent qu’il avance …
Ah! bon…En quoi les salariés, les commerçants et artisans, les agriculteurs, les TPE…etc, en sont-ils responsables ? En rien, ils sont victimes de l’impéritie des gouvernants et de leurs dogmes libéraux. Qui a supprimé l’ISF ? Réduit les aides au logement mais stimulé les aides publiques aux grandes entreprises sans contrepartie. Qui a privatisé toutes les banques, les transports, l’énergie, les télécommunications, le médicament… ? Qui dirige les banques centrales ? Selon quels critères ? Qui s’attaque aux retraites, à la sécurité sociale, aux protections salariales comme l’assurance chômage qu’ils parlent de réduire.
Jamais ils ne pensent à taper dans les grandes fortunes qui explosent, à fiscaliser le capital à la hauteur du travail, à en finir avec les paradis fiscaux, à réduire les très hauts salaires et revenus…Jamais ils ne pensent à en finir avec la dictature de la rentabilité qu’ils ont mise en place à l’hôpital public à travers la T2A (tarification à l’acte), mode de financement toujours en vigueur depuis 2004 et qui a échoué.(1) Extrait :
« Cette réforme était pourtant aux antipodes de l’éthique médicale et des valeurs pluriséculaires de l’hôpital public.
On a voulu imposer une logique de marché à un service public et faire de l’allocation des moyens un levier de restructuration de l’offre de soins. Il faut désormais travailler plus pour gagner plus ! Il faut faire de l’activité à tout prix. Les médecins transformés en chefs de pôles gestionnaires doivent désormais soigner les yeux rivés sur leur compte de résultat ! Quinze ans après, l’hôpital public est à terre et les hospitaliers dans la rue ».
Cet extrait n’est pas de la plume d’un dangereux gauchiste toujours prêt à critiquer le système et tout ce que fait Macron. L’auteur n’est autre que le président d’Adexol, Alexis Dussol, société d’expertise du système de santé et ses propos datent du 16 mars 2020. Un connaisseur bien discret jusqu’alors?
On voit où s’arrêtent leurs bonnes intentions de circonstances concernant l’après-crise. A de fortes paroles très relayées dans les principaux médias télévisés et la « bonne » presse que détiennent justement des milliardaires. Il s’agit de garder la confiance populaire qui s’effrite tandis que les contraintes de l’état d’urgence renforcent leur main-mise sur la communication.
Le mouvement social et la vie politique sont sérieusement handicapés mais il n’est pas question de renoncer à agir sous des formes compatibles avec les exigences sanitaires, indissociables de l’ensemble des urgences sociales et écologiques qui ne sont pas davantage prises en compte si ce n’est verbalement.
Les mardis de la colère
C’est ainsi que la CGT Santé et Action sociale a lancé les mardis de la colère (2) pour que soient tenus les engagements de l’État et respecté ses personnels et ses missions de service public.
Une initiative nationale originale ouverte à tous les syndicats et salariés du public et du privé, invités à y participer, en tenue de travail.
Deux premiers rendez-vous ont été fixés pour le 26 mai :
Draguignan RV à 16 h 30 devant l’hôpital
Toulon RV à 19 h 30 sur le parvis de l’hôpital de Sainte-Musse
C’est aussi l’occasion pour tous les usagers potentiels du service public hospitalier de soutenir de sa présence les personnels, toutes catégories, qui ont fait l’admiration des populations et payé un lourd tribu en vies humaines, aux avant-postes de la pandémie.
D’autant plus admirables qu’ils-elles ne se prennent pas pour des héros, ni n’attendent médailles ou paroles flatteuses, mais juste reconnaissance de leur métier si difficile et si essentiel en tous temps et plus encore en de pareilles circonstances où s’arrêtent la vie de famille et même la vie tout court.
Il ne sera plus acceptable que le plan promis pour repenser l’hôpital public comme pilier de notre système de santé ne prenne pas en compte l’ensemble des questions (en PJ) que propose, pour sa part, le syndicat CGT Santé et Action sociale, pour les négociations à venir le plus vite possible, tant au plan national que local.
Il ne s’agit pas d’attendre « l’après-crise »pour réparer tout ce qui peut l’être, à commencer par les salaires et l’arrêt des suppressions de lits, par l’amélioration des conditions de travail…car on n’est pas au bout de la crise sanitaire et encore loin d’avoir atteint le pic de la crise économique, sociale et écologique. Le moment est venu de changer en profondeur le système politique responsable de l’effondrement des sociétés dominant ce monde.
Pour en construire un autre qui parle de terre à protéger et à partager, de modes de vie à respecter, de culture de paix, de coopérations dans tous les domaines, de fin des privilèges, de sécurité sanitaire mais aussi alimentaire, énergétique, sécurité de formation, d’emplois et de salaires tout au long de la vie, accès garanti au logement, aux transports du quotidien, à la culture, aux loisirs et tant de choses dont on rêve sans y croire.
Et si le virus avait accéléré l’histoire ?
René Fredon
(1) https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-le-virus-qui-acheva-la-t2a-a-lhopital-1185636
(2) file:///C:/Users/Ren%C3%A9/Downloads/26%20mai%202020%20(2).pdf