
( Textes de lois : Soins palliatifs, euthanasie , suicide assisté et aide active à mourir )
Le rapport à la mort est complexe, difficile et violent pour tous les soignants.
Le Premier Ministre vient de scinder en deux le projet de loi de fin de vies en deux textes : l’un portant sur les soins palliatifs et l’autre sur l’aide à mourir contre les pressions idéologiques qui ne voulaient imposer qu’un seul texte. Nous sommes soulagés de voir que la parole des soignants est enfin considérée par l’exécutif. Ces deux sujets sont radicalement opposés, l’euthanasie et le suicide assisté contredisent l’éthique du soin qui régit nos pratiques.
« Aujourd’hui un français sur deux n’a pas accès aux soins palliatifs dont il a besoin ». 500 patients par jour en France devraient pouvoir bénéficier de la prise en charge par les équipes de soins palliatifs, ils n’y ont pas accès malgré la loi faute de nombre suffisants de services et d’équipes alors 92% des Français paniquent à l’idée de mourir dans la souffrance.
Les services d’Urgences et les SMUR connaissent par défaut et manque de moyens des soins palliatifs ce devoir humain de soins et de prises en charge. Demander aux Services d’Urgences d’assumer les fins de vie et le confort des malades face à la souffrance aussi paradoxale et contre nature que cela puisse paraitre est aussi notre quotidien !
Le retard dans ce secteur essentiel de notre système de santé pour la septième puissance économique au monde est un poids sur la conscience de nos gouvernants, 20 départements de France n’en sont pas dotés, les autres sont en fortes demandes d’effet de rattrapage au vu des besoins pour nos populations.
Les soins palliatifs encadrés par la loi LEONETTI du 22 Avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie réactualisée en 2016 ( loi CLAEYS-LEONETTI ) ont permis cette révolution majeure au service des malades les plus fragiles et en souffrance terminale, toutes les familles entourées des soignants qui ont pu bénéficier de cet accompagnement le reconnaissent sans détour.
« La question des soins palliatifs met tout le monde d’accord » défend Fréderic VALLETOUX ancien Ministre de la santé et député qui relaie le soulagement des soignants hostiles à un « service public de la mort ».
Comme le rappelle le comité consultatif national d’éthique : « Il ne serait pas éthique d’envisager une évolution de la législation si les mesures de santé publique recommandées dans le domaine des soins palliatifs n’étaient pas prises en comptes »
Donner la mort c’est 1,4 milliards d’économie sur la baisse des dépenses publiques !
Dans ce monde cynique et sans éthique de « la mondialisation heureuse » où l’essentiel des valeurs humaines et humanistes ont été balayées et emportées durant des années par la dérégulation d’une économie prédatrice sans limite, l’euthanasie ou l’aide active à mourir à grande échelle hors situations d’exception, représenterait 1,4 milliards d’économies sur la baisse des dépenses publiques en France en cas de légalisation selon « le Fondapol », un non-dit glacial et destructeur pour le monde des soignants.
Donner la mort par économie et ses dérives plutôt que garantir l’apaisement et l’accompagnement des souffrances dans la dignité et le respect des hommes et des familles jusqu’à leur dernier souffle, l’éthique réagit et s’y oppose. De grandes voix s’élèvent, un collectif de personnalités où figurent trois anciens Ministres et d’illustres scientifiques, y compris ceux qui acquiesçaient hier, tirent la sonnette d’alarme sur ses dangers et dérives le Mardi 8 Avril 2025. « L’éthique est une boussole » écrit Jean François Khan , boussole confrontée à l’effondrement et la rupture des digues de notre société partout sous les coups de boutoir du désarment moral et intellectuel individuel et collectif.
François BRAUN ancien Ministre de la Santé est rejoint par le plus grand nombre : « Si la société veut légaliser l’euthanasie qu’elle le fasse mais sans nous, ne faites pas de l’acte du tuer un acte médical ». Considérer une équivalence entre soulagement de la souffrance et suppression du souffrant ne sera jamais accepté dans notre monde où le narratif cynique et confus ne trompe plus personne.
Le Professeur Philippe JUVIN, Chef de service des Urgences de l’hôpital Européen Georges POMPIDOU à Paris interroge et interpelle les consciences : « Sommes-nous prêts à proposer la mort à des personnes qui ne sont pas en fin de vie ? Le texte actuel sur l’aide à mourir inquiète sur le flou des critères trop subjectifs, son caractère expéditif et son manque de collégialité où la voie est ouverte à des décisions solitaires sans remparts contre les abus et la crainte de dérives à venir. Le flou sémantique de ce texte sur l’euthanasie transforme ce qui devrait être des critères d’exception en un filet à très larges mailles ».
Selon OpinionWay 85 % des soignants déclarent être défavorables à l’idée de provoquer intentionnellement la mort. Ils sont 83% à déclarer que ce type de geste ne peut être considéré comme un soin. 67% des Français sont favorables à une clause de conscience pour les personnels médicaux, 31% soit un tiers craignent des dérives.
Peu de Français savent que la loi LEONETTI actuelle nous oblige à soulager la douleur coûte que coûte même si cela peut raccourcir la vie, les protocoles de sédation profonde qui sont une forme d’anesthésie générale élimine toutes les perceptions désagréables et répondent aux objectifs d’apaisement des malades et des familles de malades devant la souffrance.
Toutes les morts sont singulières et différentes pourraient en témoigner par leur quotidien nos équipes auprès de nos élites et élus législateurs qui devraient plus que tout nous consulter davantage avant de légiférer. Nous n’avons vu aucun législateur venir vers nous avant les débats parlementaires qui s’ouvrent sur un dossier pourtant essentiel, Ils n’écoutent pas assez leurs soignants et leurs imposent leurs lois alors que ce sont eux qui sont confrontés à la mort au quotidien. Les élus législateurs en chargent du dossier sur l’euthanasie leurs demanderont de donner la mort, à leur place, en protégeant leurs belles consciences, en se « déportant » et sans en assumer les responsabilités et toutes les conséquences, les blouses blanches en ont l’habitude.
« Vous pousserez sur la seringue, je vous la laisse ! »
Puisque les soignants de terrain sont mis à l’écart de ces décisions et choix de société lourds de conséquences et pesant sur leurs consciences là où celles et ceux qui vont les imposer s’en déchargeront, puissent les soignants faire une proposition d’amendement à la loi , à savoir : « Tirer au sort tous les mois 50 députés et Sénateurs de nos assemblées parlementaires pour les mettre derrière les seringues et pousser sur les seringues pour donner la mort et donc par la même assumer en toute conscience et toute responsabilité et jusqu’au bout la portée de leur choix de société ».
Ils découvriront qu’en dehors de leurs textes il ne faut jamais voler au malade et à ses proches, un dernier regard, une dernière parole, un dernier sourire, un dernier baiser ou une dernière caresse sur la main. Pousser sur la seringue risque de secouer et de réveiller les consciences.
Cette séparation des textes a été difficile à obtenir. Nous vivons une période de bascule et de rupture profonde envers nos élites et gouvernants de ce monde qui n’appartiennent plus à notre monde, celui du vécu, du réel, le vrai, le quotidien, et qui de fait ne parviennent plus à le représenter.
Après les 170 000 morts du Covid-19, par éthique, par devoir et conscience, les soignants se méfient des élites qui fuient leurs responsabilités et ne les assument plus. « La défiance des Français envers le monde politique et donc du législateur protégé et déresponsabilisé est à un niveau jamais mesuré » révèle le baromètre annuel du Cevipof en ce début d’année 2025 et s’inscrit dans cette fracture démocratique majeure qui gagne de plus en plus de terrain jusqu’à ne plus pouvoir en apprécier les limites à venir.
Dans ce contexte de fracture démocratique, le Premier Ministre a pris la décision lucide et courageuse de distinguer soins palliatifs et mort provoquée proposant un chemin éthique digne de notre démocratie respectueux de ce qu’a de si personnel et intime la fin de vie, de la pluralité des convictions et des opinions de chacun loin des violences et pressions idéologiques suscitées par l’agitation de l’opinion publique.
Continuer à fracturer et diviser la société, et surtout le monde des soignants, en ces temps du post Covid qui persistent n’était pas raisonnable ni souhaitable pour le bien commun, c’est une certitude.
« Nous ne pouvons consentir à vous faire mourir » alerte Claire FOURCADE présidente de la Société Française d’accompagnement et de soins palliatifs dans « Journal de la fin de vie » ( Fayard ) et met en garde contre les dangers de la législation de l’euthanasie et du suicide assisté et de leurs dérives. « Voter la loi Euthanasie c’est signer l’arrêt de mort des soins palliatifs pour raison d’économie parce qu’Euthanasie au final dans ce projet funeste et non avoué rime avec économie. L’euthanasie ne soulage pas le patient, elle l’élimine »
Pour Jérôme FOURQUET « On assiste à la suite logique de l’individualisme roi et la disparition du lien collectif ou l’individu émancipé de toutes les vieilles matrices aspire au choix intégral de sa propre mort et de ses propres obsèques » mais attachés aux libertés individuelles les sondés de fait sont largement en faveur de la liberté de conscience des soignants et tiennent à leur garantir que la loi ne leur impose pas.
Au Canada les études ont démontré que les populations les plus modestes étaient les premières à céder à l’euthanasie, où quand l’exclusion économique prend le dessus sur toute considération humaine de fraternité, de solidarité, et d’indifférence à l’autre jusqu’à pousser à la mort comme seule et ultime solution d’espérance en plus rien.
En Oregon aux États Unis 10 % des suicides assistés ont été effectués en raison des implications financières des traitements pour soigner les maladies, le choix de la mort pour ne plus parvenir à payer ses soins !
La dignité coûte cher, le soulagement des douleurs aussi.
Un changement de civilisation, et le résultat des politiques néolibérales de la mondialisation heureuse, du profit, du rendement de l’humain qui n’a d’intérêt que lorsqu’il produit et consomme, voilà ce qui au final résume le projet « d’aide à mourir » et qui risque de voir la société être entrainée vers une légalisation malgré elle et contre la volonté de ses soignants
Les soignants par devoir, par éthique par humanité et respect des malades alertent : L’euthanasie légalisée en nombre plutôt que réservée à des situations particulières et validées par un collège d’experts en lien avec le malade et les familles renversera le rapport de la société à la vulnérabilité de la vie et son rapport si particulier et singulier aux soins et à son éthique. Au-delà d’un droit elle deviendra un devoir pour ceux qui se sentent abandonnés ou oubliés et devenus un fardeau pour leurs proches et le sens commun.
Ce dossier de société sur l’aide active à mourir, cette drôle de « fraternité », cette fausse « dignité » qui n’en n’est plus, face aux soins palliatifs qui défendent une autre humanité, sont des choix et des enjeux qui devront être assumés.
Pour les Soignants que nous sommes, cette loi d’aide active à mourir ou euthanasie vient participer au « Vertige civilisationnel » et à l’effondrement de notre monde, elle rejoint la mortalité infantile qui croit en France, les lits de Réanimation pédiatriques qui manquent dans nos hôpitaux pour nos enfants par mesures d’économie, rejoint nos Aînés abandonnés aux lois du marché et de l’Or gris ( Cf Scandale ORPEA ) , et maintenant « Par ici la sortie » pour ceux qui souffrent et faire des économies dans un monde prédateur et déshumanisé.
Supprimer celles et ceux qui ne produisent plus et coûtent plus que ce qu’ils rapportent est devenu un objectif inavoué sauf à devoir opposer à visée encore humaine et humaniste une volonté de résistance à savoir défendre et faire valoir que : « Nos vies n’ont pas de prix et valent plus que leurs économies et leurs profits »
Dr Vincent CARRET
AMUF