Le retour du grand Serge !

0

La nuit  Rachmaninov, jeudi soir au Festival de piano de la Roque d’Antheron a tenu toutes ses promesses.

D’abord le public était au rendez-vous. Ensuite la bonne surprise fut l’orchestre National symphonique du Tatarstan, le TSO.  Chez ces jeunes artistes russes il y a une maîtrise technique de chaque pupitre, en particulier des cordes et des cuivres. Une prestation sans faille pour un orchestre étincelant qui a bien servi l’orchestration de Rachmaninov…

Autre qualité du concert, le choix du programme : deux tubes du « grand Serge » le 2eme Concerto et la Rhapsodie sur un thème de Paganini  encadrant deux œuvres moins courantes, le 4eme concerto et le splendide poème symphonique  l’Ile des morts.

Deux tempéraments de pianistes différents.
Lukas Geniusas dans le Deuxième concerto  a démontré toute sa technique et la qualité de sa musicalité. Quelques imprécisions et retenues dans le redoutable troisième mouvement n’ont pas altéré une impression d’ensemble vigoureuse et empreinte de lyrisme.

Il faudrait d’ailleurs déjouer une tendance du public  qui murmurait à la pause,  « l’orchestre couvrait le soliste ». Cette remarque  souvent assénée avec la force d’une pseudo-connaissance n’est pas exacte. Car, tous les grands solistes  (mis à part lors des instants de cadence écrites) sont obligatoirement incapables de lutter, en volume sonore, contre les tutti de l’orchestre romantique.  Les mélomanes comparent sans doute  le live avec  des enregistrements (avec ingénieur du son et potentiomètre régulateur du niveau sonore).

La jeune virtuose Varvara avait une double tâche, défendre le 4eme Concerto et la Rhapsodie sur un thème de Paganini. Elle choisit un piano différent (il arriva comme d’habitude en tracteur, c’est une spécialité de la Roque). Son interprétation était basée sur la virtuosité pure. Plus précise que Géniusas (avec moins de puissance sonore) elle a imprimé à la Rhapsodie une vision romantique, passionnée et vibrante.

L’île des morts un chef-d’œuvre oublié.
Le  meilleur moment de la soirée fut l’interprétation du poème symphonique l’île des morts inspiré d’un tableau de Böcklin.  Cette partition proche de l’esthétique de Scriabine, a hanté Serge Rachmaninov toute sa vie. Elle évoque l’ambiance lugubre d’une barque mortuaire qui s’approche d’une île cimetière. La mort est évoquée comme un scandale, par une marche ascensionnelle d’une poignante désespérance. Puis la barque s’éloigne jusqu’à se fondre dans le silence, lors de la sérénité retrouvée. Alexander Sladkosky a su trouver avec l’orchestre les accents  d’une longue méditation transcendantale.

Nous nous dispersâmes dans la nuit, lorsque les cigales, épuisées par tant de beautés se firent à leur tour silencieuses.  Le Grand Serge était passé…

Jean-François Principiano

Deux pépites, à ne pas manquer, deux virtuoses venus du Nord à signaler dans la fin de ce festival provençal Mardi 13 août Benjamin Grosvenor dans un récital romantique et mercredi 14 août Vikingur Olafsson dans un programme Rameau, Debussy, Moussorgski.

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.