Hubert Falco : une vision sélective de la ville

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Sa campagne sera courte, comme il le souhaitait. Un mois tout juste. Annoncée à la presse le 14 février, depuis la veille, circulait déjà dans certains quartiers le 4 pages de son bilan et de son programme, dans la continuité du modelage sociologique entrepris dès 2001.

Un document très dense et très politique même si aucun sigle de parti n’y apparaît, ce qui est le cas de la plupart des listes, plus encore qu’à l’habitude.

Dans le domaine de l’autosatisfaction Hubert Falco est imbattable : « redressement, transformation, renaissance, finances solides et assainies…4è ville la mieux gérée de France et la moins endettée, impôts locaux stables, ville attractive donnant confiance aux investisseurs… » Sur ce dernier point, c’est incontestable.

À vrai dire le maire, président de TPM était en campagne permanente, poursuivant son mandat. Il avait bien calculé les inaugurations et les discours de fin d’année et du nouvel an, à la mairie, à l’hôpital, à Toulon-Habitat et j’en oublie…

Avec une couverture médiatique exceptionnelle, une ou plusieurs pages chaque jour ou presque dans le principal quotidien du Var et des Alpes maritimes au service de la communication du maire-président. Mais est-ce bien légal, moins de six mois avant l’ouverture officielle de la campagne ? Que devient l’égalité de traitement entre tous les candidats ?

Trois mandatures ça crée des liens. Sans compter qu’avant, il était président du conseil général, devenu départemental. Il l’a répété, ce sera son dernier mandat, il veut finir en beauté, on n’en doute pas. À l’approche de ses 73 ans, il faut savoir terminer une carrière plutôt bien remplie.

Peut-être aussi y est-il poussé par les circonstances ? Le dernier scrutin en mai dernier pour les Européennes s’est avéré catastrophique pour les LR (mais pas que…) au plan national et à Toulon : 30,71% pour le RN, 10,65% pour l’union de la droite ? Moitié moins que LREM 21,08%. Très mauvais signal.

H.Falco balaie cet argument car il n’était pas candidat d’une part et, d’autre part, l’élection municipale n’a rien à voir avec celle du parlement européen, la moins mobilisatrice qui ne peut constituer un critère valable ?

Certes, les municipales sont les plus populaires, elles se jouent, pour une partie non négligeable, sur la popularité des maires sortants -s’ils se représentent- ou des têtes de listes, plus que sur leur étiquette. Rien n’est encore joué. À noter que dans le Var LR et LREM soutiendront des candidats communs à Brignoles, Fréjus notamment.

Une manière de dépolitiser une élection qui, parce qu’elle est locale, n’aurait pas de rapport avec les choix politiques nationaux ? Rien n’est plus faux, les associations de maires et d’élus de tous bords et à tous niveaux, s’élèvent contre les mesures en préparation très avancée qui vont encore réduire les moyens des communes, départements, régions…de plus en plus contraints par l’État qui privatise à tour de bras.

Hubert Falco le constate et s’en plaint mais il affirme ensuite que mairie et métropole diminuent leur endettement, réduisent leurs budgets de fonctionnement sans augmenter les impôts…Tout va bien alors ?

Comment est-ce possible ? Voyons, c’est grâce à sa « bonne gestion » et à son « efficacité« …grâce aussi à ses nombreux collaborateurs que nous payons ! Et grâce aux,  multinationales qui gèrent les principaux ex-services publics ou qui interviennent dans la réalisation des chantiers de travaux publics : Vinci, Bouygues, Véolia, Pizzorno, Eiffage et quelques autres.

Il n’y a pas de miracle : si on ajoute le total des impôts et taxes prélevés par la commune et la métropole d’une part on contribue davantage. Et si on tient compte des secteurs « oubliés » comme l’entretien de la voirie communale ou des rentrées nouvelles comme le paiement des études dans le primaire, les rentrées du stationnement et des parkings, les baisses de subventions à certaines associations, la stagnation de la construction de logements réellement sociaux etc…les services rendus régressent !

Du public au privé
Hubert Falco multiplie les cessions de terrains publics à des aménageurs privés comme ce fut le  cas à Font-Pré où les terrains de l’ex-hôpital ont été vendus à Bouygues en-dessous de leur valeur comme l’a analysé la Chambre régionale des comptes, accentuant un sur-endettement de l’hôpital Sainte Musse qui court toujours pour de longues années encore.

Sur la situation critique de l’Hôpital public, le président du comité de surveillance du CHITS est d’une discrétion très remarquée. Jamais de soutien aux luttes des personnels, d’opinion à émettre contre l’asphyxie organisée, les chefs de services ont même massivement démissionné de leurs tâches administratives, H. Falco se tait. Il est vrai qu’il a couvert l’énorme endettement du CHITS à ses débuts qui plombe toujours sa gestion !

Sur le terrain public de Sainte Musse, c’est Clinéa, autre multinationale, qui y installe un hôtel de suite…avec l’aide du maire et de l’ARS !

Autre exemple, le port : son aménagement -sur des terrains publics, marine et ville, prévoit des quais réservés aux grands yachts privés ! Aux frais de qui ? Les armateurs-pollueurs, en partie financés par des fonds publics, pour l’adaptation au branchement et au dispositif de réduction de leurs fumées. Merci TPM, la CCI, et la Région, c’est toujours nos impôts ! Ils nous polluent et on les finance pour qu’ils nous polluent un peu moins.

On électrifie, avec retard, les quais, très bien et on « aide » les compagnies maritimes à installer des scrubbers dans les cheminées pour dépolluer l’atmosphère sauf que leurs rejets en mer polluent gravement les milieux marins !  Et il n’y a toujours pas de station de contrôle des pollutions à Toulon !

Pour le logement social, le foncier est trop cher parce que rare, nous dit-il, mais pour le locatif privé et l’accès à la propriété Toulon fourmille de grues. La municipalité -et pas seulement à Toulon- n’a pas la fibre sociale, elle ne voit pas l’appauvrissement des classes populaires regroupées à la périphérie de la ville. Toulon n’est qu’à 15% de logements sociaux, il en faudrait 25%. Mais c’est contre ce quota que H.Falco se dresse ! Toute sa politique municipale s’inspire du libéralisme le plus classique. À part ça, l’élection municipale n’est pas politique : belle hypocrisie !

L’îlot Chalucet vient d’être inauguré en présence de milliers de Toulonnais. Passons pour le chef d’oeuvre en béton de ce qui ressemble à un parking aérien, en face la gare. Le choix de l’école privée supérieure de management -dont on ne conteste pas la qualité-, vise quels étudiants … à 6 ou 7 000 euros l’inscription annuelle ?

Mais la ville, dans un élan de solidarité sans doute, fait payer l’étude du soir dans le primaire public  ?!

Le tramway a été abandonné. À quels coûts, financier et écologique ? Des études et travaux ont été entrepris puis stoppés. Le bilan n’a jamais été fait. Mais le maire nous explique toujours qu’il nécessitait 3 ans de travaux sur l’axe principal et que la population (qui a bon dos) l’aurait désapprouvé et il ne serait plus maire ? C’est beau le courage.

La com’ de Falco en fait « le plus grand chantier de centre ville d’Europe ! » Comme « la rade est la plus belle d’Europe… », comme « c’est à Toulon qu’on crée le plus d’emplois de la région »… cet enthousiasme surjoué lui a pas mal réussi  : il a sérieusement modifié la sociologie de la ville qui a certes des atouts, surtout liés à sa situation au bord de la Méditerranée et au pied du Faron.

Comme personne ne se mettra en quête de savoir ce qui se passe dans chacun des pays d’Europe en matière d’aménagement urbain, il peut tout dire… En matière d’emploi c’est plus difficile. Certes, les statistiques officielles montrent une très légère inflexion à la baisse du chômage en France (8,5), en région (9,9, au 3è trimestre 2019) et à Toulon (9,5 -0,6) Voir le tableau de la région (1) au-dessus de la moyenne nationale, y compris le Var.

Ce qui est très inquiétant c’est le niveau de la part de l’industrie : moins de 4% comparée aux services et commerces 66%, ainsi que la tendance à la hausse du chômage de longue durée et la baisse des indemnités qui ne dépendent pas directement des maires, mais rien ne les empêche de s’exprimer.

Transparence et démocratie : une illusion
Ce sont les services sociaux des villes et du département qui pallient-plus ou moins- les difficultés des plus vulnérables. Des milliers de Toulonnais(es) ignorent leurs droits à l’aide sociale. Nous ne mettons pas en cause les personnels de ces services mais les moyens qui sont mis à leur disposition.

Dans les cités populaires, le taux de pauvreté comme le taux de chômage des jeunes sont   très au-dessus de la moyenne, comme le taux d’abstention aux élections quelles qu’elles soient. En  2014 il y eut près de 48% d’abstentions, 65% et plus dans les cités populaires ??

Ce que disent tous ces Toulonnais(es) c’est qu’on les tienne en considération, qu’on les consulte pour savoir ce qu’ils attendent d’une élection municipale : la victoire du favori ou la résolution des innombrables problèmes auxquels ils sont confrontés? Qu’on en finisse avec les réponses du type : « j’ai été élu pour appliquer mon programme, je l’applique ! » Autrement dit : »causez toujours… c’est la majorité qui décide ! »

Le problème c’est que ce programme n’a pas été conçu avec les habitants, mais avec une minorité (au mieux) de la même sensibilité que le maire qui envoie ses fantassins convaincre que c’est le meilleur, le favori et qu’il sera élu. « Alors si vous attendez quelque chose de lui, mieux voter pour qu’il soit réélu  » vous fait-on comprendre ?

D’autant qu’on ne vous consultera plus pendant la mandature et qu’on continuera de même la prochaine fois. C’est ce qu’ils appellent la « démocratie »participative !

Ainsi va la politique traditionnelle qui fait de plus en plus de mécontents et d’abstentionnistes qui n’attendent plus rien des « politiques » parce qu’ils discréditent la politique. Tous ne sont pas à mettre dans le même panier, fort heureusement !

Hubert Falco incarne la tradition la plus conservatrice et l’exemple même du cumul des mandats dans le temps pour assurer la continuité du pouvoir de son camp.

Ainsi s’explique le fossé qui sépare ceux qui exercent le pouvoir -une minorité- de ceux qui le subissent : la grande majorité qui, trop souvent, se sent impuissante.

L’exceptionnel mouvement social pour le retrait du projet du gouvernement et l’organisation d’un référendum -sur lequel H.Falco ne dit rien- a besoin d’un débouché politique progressiste à Toulon comme en France. Le 15 mars, il s’agit de sanctionner toutes les politiques de droite et d’extrême-droite inspirées par le libéralisme qui sévit à l’échelle locale comme à l’échelle nationale.

René Fredon

http://paca.direccte.gouv.fr/sites/paca.direccte.gouv.fr/IMG/pdf/taux_de_chomage_tdb-2.pdf

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