Histoire des grandes épidémies  victoire de l’espèce humaine

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Fléaux dévastateurs, les épidémies ont profondément influencé l’évolution biologique, socio-culturelle, économique, politique et démographique des populations humaines en laissant des traces durables dans les esprits et dans les mœurs. Pour une vue d’ensemble sur le sujet on peut consulter un livre classique  l’Histoire médicale des maladies épidémiques par J.-A. Ozanam, docteur à l’Hôtel-Dieu de Lyon au début du XIXe siècle ou encore l’ouvrage du docteur Mourre, le petit livre des grandes épidémies.

Rappel historique.
Au Moyen Âge, les épidémies apparaissent comme une punition des méfaits des hommes et un signe de la colère divine. La grande peste ou «la peste noire» (1347-1352) a totalement désorganisé la société moyenâgeuse, faisant disparaître la moitié de la population européenne soit 25 millions de personnes. Elle a eu certainement le même bilan dramatique en Asie où elle a commencé à se propager. Pourtant l’espèce a survécu.

À la Renaissance, la syphilis (appelée vérole à l’époque) est considérée comme un des fléaux majeurs avec la rougeole, la grippe ou le typhus. Jean Fernel (1497-1558) décrit, à l’aube de l’imprimerie, les maladies épidémiques, assez négligées par la littérature médicale de son temps. Pourtant l’espèce a survécu, même sans traitement.

Au XVIIe siècle, une nouvelle épidémie de peste sévère a sévi en France entre 1629 et 1631. Un Bureau de Santé a été mis en place à Lyon pour une surveillance rigoureuse. « Des médecins et chirurgiens de peste » apparaissent, rémunérés par ces bureaux de santé et se distinguent facilement : ils portent un bâton de couleur, sont revêtus d’un manteau noir, la tête recouverte d’un capuchon empli de plantes odorantes destinées à les protéger des miasmes.

Le fléau de la peste est de retour au XVIIIe siècle lorsque le 27 mai 1720 le navire « Grand Saint-Antoine » en provenance de Syrie débarque à Marseille et répand la maladie responsable de la mort de 40 000 personnes dans la ville et de plus de 100 000 en Provence, entre 1720 et 1722. Pourtant l’espèce a survécu.

À la fin du siècle, l’armée de Napoléon retrouve l’épidémie au moment de la campagne de Syrie et Gros, peintre de cour, immortalisa l’empereur qui rendit visite aux pestiférés de Jaffa.

Les épidémies de choléra (du grec kholéra « flux de bile ») ont marqué le XIXe siècle et la littérature médicale sur ses causes et les moyens de l’éviter a été conséquente.

On a écrit plusieurs centaines de livres sur le choléra et sa prophylaxie, des ouvrages des médecins réputés comme D. J. Larrey, F.J.V. Broussais, G. Dupuytren ou S. Hahnemann ou bien des revues comme la Gazette médicale de Paris, témoin journalier de l’épidémie de 1832-1833, qui a entraîné la mort de 160 000 personnes. Le 1er mars 1849, une seconde épidémie ravage la France, puis encore une à partir de 1854. C’est Robert Koch qui découvrira le bacille responsable du choléra en 1883. Sans aucun médicament pourtant l’espèce a survécu.

En France, le choléra a entraîné la création de plusieurs organismes de santé publique et ses conséquences politiques, démographiques et sanitaires ont poussé les gouvernements à des réalisations architecturales et d’urbanisme mieux adapté aux contraintes de l’hygiène publique.

La grande tueuse la Grippe espagnole
Comment un virus H1N1, a-t-il pu faire plus de ravages encore que la Peste noire du XIVe siècle ? À l’échelle du globe, avec ses 50 à 100 millions de morts, la grippe espagnole en 1918  fit plus de victimes que les deux guerres mondiales réunies, et fut sans doute la plus grande pandémie que l’humanité ait jamais connue.

Dans tous ces cas l’espèce humaine a survécu.

Pourquoi  ces épidémies ont-elles toutes été  « dépassées » ?
Il est tout à fait normal que les pandémies reviennent car elles font partie du processus d’évolution biologique. Il faut raisonner au niveau de l’espèce humaine. Une des caractéristiques de la biologie humaine dit le grand épidémiologiste Arnaud Fontanet  est la puissance du système immunitaire. Ce n’est pas une puissance individuelle c’est une puissance collective qui se décline individuellement.

Comme toutes les pandémies celle du corona virus sera dépassée lorsque la réaction collective des individus aura suffisamment stimulé les défenses naturelles de l’espèce auxquelles s’ajouteront les connaissances scientifiques. C’est inéluctable. C’est une question de temps. À l’échelle de l’espèce les morts individuelles ne comptent pas. Pour l’espèce, la vie individuelle ne compte pas. Seule la survie de l’espèce compte. Tout le reste est un phénomène de culture. La notion d’individu est une notion culturelle et politique. C’est d’ailleurs le scandale de la mort individuelle qui hante depuis toujours la vie culturelle de l’humanité. Mais  revenons aux épidémies.

Au lieu de compter les morts il faudrait compter les « guéris », les survivants, ceux qui sont  en quelque sorte  les « pionniers » de la résistance collective. Il y en a de plus en plus.

Mais notre société humaine  est devenue tellement égoïste et individualiste qu’elle a oublié son appartenance à une réalité englobante. Pourtant la victoire  est certaine. Inéluctable. Elle est même assez proche.

Peut-être cette crise mondiale annonce-t-elle un nouveau rapport à la nature et à notre espèce d’homo sapiens sapiens. En ce moment une  phrase revient souvent « prenez soin de vous ».

Ce vœu pieux devrait s’adresser à toute l’espèce, a toute l’humanité. Prends soin de toi l’humanité ! C’est  dire  moins d’inégalité, moins d’égoïsme, moins de prédations, moins de spéculations, moins de destructions de l’environnement, moins de goût du pouvoir, moins d’exploitations, moins de sens de la propriété, moins de violence dans les rapports humains, moins de certitudes, moins de haine, moins de préjugés, moins d’orgueil, moins de sentiment d’impunité, moins de recherche du profit immédiat, moins de mépris pour le monde animal, moins de déforestation, moins de pollution des mers, moins de jalousie, moins de prétention politique, moins de mépris pour les humbles et les  vulnérable, moins d’indifférence. Ce monde de l’après est-il possible ? Mais ça, c’est l’Histoire qui le dira.

Jean-François Principiano

*Sources : Arnaud Fontanet Histoire de l’épidémiologie  Cours du Collège de France

 

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