Draguignan propose une des plus belles pièces du théâtre moderne Edda Gabler d’Ibsen le mardi 30 avril dans la programmation de Théâtre en Dracénie. Mise en scène et adaptation de Roland Auzet. Événement !
Un drame réaliste.
Si l’œuvre du norvégien Ibsen, Edda Gabler, est si célèbre c’est qu’elle ouvrait en son temps les portes de la mordernité.Le drame d’une femme qui veut vivre libre dans une société étouffante dominée par les hommes avait de quoi bousculer les préjugés. Mais Ibsen y associa une révolution interprétative en refusant le culte des « répliques à effet », suivant en cela la révolution du Russe Tchekhov. Tout au long du texte il donne à ses personnages des allures réalistes. Des gens de tous les jours en somme. D’abord condamné par la bourgeoisie calviniste scandinave, son théâtre (il écrivit plus de trente pièces) devint le symbole du renouveau de la scène européenne par ses audaces techniques.
Un passé qui ressurgit.
Un jour par hasard Hedda Gabler retrouve l’homme qu’elle a aimé quelques années auparavant et qui l’a abandonné. Tout son passé resurgit. Blessée, elle choisit de se venger de son ancien amant. Elle subtilise et détruit le manuscrit qu’il a oublié chez elle. De désespoir, cet homme se suicide car, pour lui, ce livre était l’œuvre de sa vie. Hedda prend alors conscience qu’elle n’est pas parvenue à oublier cet amour qu’elle avait pourtant réussi à enfouir jusque-là au plus profond d’elle-même. Elle s’en veut désormais de ce qu’elle a fait, de son mariage médiocre, de la vie inintéressante à laquelle elle s’est elle-même condamnée. Elle se suicide pendant un banquet devant une cinquantaine d’invités.
Hedda Gabler est plus qu’un personnage, c’est la figure emblématique d’un romantisme désespéré, la métaphore d’une époque désormais révolue. Elle est l’un des grands personnages féminins du théâtre européen, au même titre qu’Antigone ou Andromaque.
C’est dans cette pièce que le grand dramaturge norvégien a opéré une véritable révolution théâtrale, la plus importante sans doute depuis Shakespeare, comme l’a si bien dit Pirandello.
Roland Auzet
Metteur en scène et compositeur Roland Auzet s’empare du texte d’Henrik Ibsen, y mêle des écrits du dramaturge allemand Falk Richter et rassemble sur scène des artistes détonants: les musiciennes-chanteuses du trio LEJ et Caroline Rose, les comédiens, Hayet Darwich, Elina Löwensohn, Gaël Baron et Clément Bresson, mais aussi des comédiens amateurs au moment du suicide d’Hedda.
Ibsen évoque en permanence une classe bourgeoise qui a peur de perdre son statut social. Il s’interroge: comment cette crainte influence-t-elle les comportements? Les textes de Falk Richter actualisent cette démarche et ce questionnement.
Le metteur en scène Roland Auzet écrit : «Ce qui m’intéresse surtout, c’est d’éviter les clichés de jeu et de situations. Être avec les artistes face à nos propres expériences, nos propres vies. Au plateau, les êtres cherchent, se radicalisent à répétition. Ce qui les rend drôles parfois. Tous ont une sorte de destin tragique et surtout imprévisible pour eux-mêmes… Ils détestent la situation dans laquelle ils se trouvent, détestent la médiocrité… Il y a de grands conflits entre leur lucidité et ce qu’ils vivent. Et ça rend la vie insupportable.»
Mardi 30 avril à 20h30 au Théâtre de Draguignan. Infos et réservations 04 94 50 59 59.
Le spectacle dont le titre exact est « Hedda Gabler-D’habitude on supporte l’inévitable » sera portée au plateau par des interprètes multiples : acteurs, chanteurs, musiciens. Pour la musique, le trio LEJ sera aux manettes accompagné de la sulfureuse Caroline Rose. Quatre comédiens incarneront les textes. Et chose étonnante à souligner un ensemble de 50 comédiens amateurs contribuera à rendre réaliste une société bourgeoise, dépeinte sans concession par Ibsen…A voir de toute urgence en tenant compte que ce n’est pas tout le texte d’Ibsen mais une géniale réadaptation. !
Jean-François Principiano