Deutsche Bank : sombres prévisions…Paradis fiscaux : ça ne peut pas durer

0

Depuis quelques mois les milieux d’affaires et les gouvernements s’affolent à l’annonce de la situation de la plus grande banque d’Europe que l’on dit très fragilisée. Elle vient de produire une étude de nature à troubler les marchés tout autant que la confiance populaire passablement échaudée par un système bancaire privé fuyant en avant dans la spéculation après avoir été sauvé par les Etats en 2008.

Est-ce l’étude ou la situation financière de la DB qui inquiète le plus ? Probablement les deux si tant est qu’il faille prendre avec circonspection les informations triées sur le volet qui nous viennent du milieu de la finance qui brille plus par sa discrétion que par sa transparence, par son souci de rassurer ses clients quitte à couvrir la fraude fiscale, la circulation de produits toxiques, le blanchiment d’argent russe, de manipulation sur le marché des matières premières, ce que lui reproche la justice américaine et qui lui a déjà coûté 11 millards de dollars d’amende depuis deux ans. Ce qui l’a isolé des autres banques. (1)

De son côté, le FMI y voit « le principal facteur de risque pour le système financier dans son ensemble, compte tenu de ses liens avec les plus grandes banques mondiales… » ce qui appelle des mesures pour assurer la liquidation des banques en difficulté… » (30-6-16 Reuters)

La chancelière allemande dit qu’elle n’interviendra pas pour renflouer la DB. Celle-ci répond qu’elle n’en a pas besoin. Qui faut-il croire ? N’étant pas un expert, j’essaie de comprendre à travers cette communication plus ou moins codée quand il s’agit de déclarations ou d’études destinées à être rendues publiques.

Que dit cette étude ? Que le monde va mal, on n’en doutait pas. Que les 35 prochaines années seront nettement moins fastes que les 35 précédentes : pour qui ? Les peuples n’avaient pas attendu la DB pour s’en apercevoir. Quant à la situation des très très riches, on ne se fait pas de soucis, même un peu moins riches ça ne serait pas la galère.

La DB pense « au prix des actifs qui pourraient être remis en question » à cause de « la dynamique moins porteuse de l’économie mondiale… » à la faiblesse de la croissance qui mettra les responsables politiques dans l’incapacité de faire face aux défis politiques, sociaux et économiques »…(l’étude oublie « écologiques », ça n’a jamais été la tasse de thé des banquiers, si ce n’est en paroles convenues).

Donc finies la croissance et la maîtrise de l’inflation, ralentissement des échanges internationaux, baisse des profits des entreprises et plus grand contrôle des flux migratoires. Sombres perspectives surtout pour les peuples.

Mais qui donc au juste gouvernait la planète sinon les banques, plus encore que les gouvernements à leur solde ?

La DB ne va pas jusque là, on s’en doute. Ce serait reconnaître que la main-mise des banques sur les économies depuis des siècles n’a pas assuré du tout le développement harmonieux de tous les humains partageant la planète mais accentué les inégalités. Moyennant quoi quelques-uns se sont taillés des empires et des privilèges pour plusieurs générations. Il a fallu quelques guerres de temps en temps et on n’en est pas sorti. Guerres avant tout économiques et géo-stratégiques.

Son étude est un appel à la profession pour qu’elle réduise la voilure et les ambitions de ses actionnaires…pour mieux rester aux commandes d’un système dont elle ne reconnaîtra jamais la faillite, préférant cultiver la nostalgie de ses jours de gloire ! Sans pour autant être à l’agonie.  Méfions-nous tout de même de cet accès de lucidité…dicté par les circonstances.

C’était avant l’élection de Trump aux Etats-Unis. Le pays-phare du système libéral en pleine crise où, pour en sortir, une majorité (très relative) d’électeurs de tous milieux a voté pour…un ultra-libéral !

Doublé d’un milliardaire grotesque, allergique à l’impôt et champion de l’évasion fiscale ! Parmi d’autres qualités innombrables dont il a gratifié le monde entier, singulièrement les femmes. Et dire qu’on en a une en France, tout à l’extrême droite, qui bée d’admiration et le remercie d’avoir déjoué les pronostics, rêvant à son tour de nous délester de ces étrangers et migrants qui nous envahissent, histoire de rendre le libéralisme plus efficace, plus humain surtout ! Qui peut encore y croire ?

Brisons cet ordre cannibale
Tirant les enseignements, un Américain, prix Nobel d’éconmie en 2001, Joseph Stiglitz, ancien directeur de la banque mondiale vient de s’exprimer (16/11/16) devant la commission d’enquête du parlement européen (2) et de donner son sentiment  sur le secret fiscal, « côté obscur de la mondialisation ».

Il se félicite du consensus à l’échelle mondiale pour dire que : « l’évasion et la fraude fiscales contribuent à la criminalité et à des niveaux intolérables d’inégalité de la richesse mondiale… » Il en appelle aux Etats-Unis et à l’Europe pour donner l’exemple, en s’engageant « à une tolérance zéro envers le secret fiscal ». Dire c’est déjà bien mais faire, s’agissant de ceux qui ont justement organisé la chose et qui la défendent becs et ongles, il va falloir les pousser…vers la sortie, ce serait plus sûr !

Un autre dangereux révolutionnaire habillé en pape a déclaré ceci : « quand le capital est  érigé en idole et commande toutes les options des êtres humains, quand l’avidité pour l’argent oriente tout le système socio-économique, cela ruine la société, condamne l’homme, le transforme en esclave, détruit la fraternité entre les hommes, , oppose les peuples les uns aux autres et met même en danger notre maison commune, notre soeur et mère, la Terre. »(Santa Cruz de la Sierra, Bolivie juillet 2015)

Nicolas Hulot, dans son livre « Osons, plaidoyer d’un homme libre » écrit : « Osons reprendre la main sur une industrie de la finance qui ignore l’intérêt général. Osons dénoncer ces marchés qui se régalent de la rareté qu’ils créent…brisons cet ordre cannibale ! »

Ces deux dernières citations, parmi bien d’autres entretiens (Guy Aurenche, Michel Barnier, Alain Bauer, Christian Chavagneux, Eva Joly, Eric de Mongolfier, Marc Roche, Jean Gadrey, Antoine Peillon…) sont extraites du tout récent ouvrage de deux frères, parlementaires communistes, Eric (3) et Alain Bocquet « Sans domicile fisc » consacré précisément à l’emprise de la finance à l’évasion fiscale qui en est la résultante.

Plus qu’un livre (préfacé par Jean Ziegler), un voyage à l’intérieur de la finance à la dérive (ou l’inverse), qui en décortique les mécanismes et les détournements colossaux qu’on a peine à concevoir.

Contrairement à l’étude de la DB, ce constat implacable n’est nullement pessimiste. De tous les horizons, par delà les clivages partisans, monte l’exigence d’en finir avec une telle domination visant à l’accaparement des richesses par quelques-uns, au prix des guerres dévastatrices qui en découlent et d’un préjudice humain et écologique considérable.

L’enjeu est planétaire. Il s’agit d’un combat vital pour toute l’humanité, soulignent fortement les auteurs qui ne sous-estiment pas les obstacles. La prise de conscience progresse indiscutablement à l’échelle mondiale, « soyons tous des lanceurs d’alerte, prenons la route d’un monde différent car plus juste, plus honnête. »

N’attendons pas tout d’en haut, notre engagement est déterminant. Il y a même urgence.

René Fredon

(1) http://www.bastamag.net/Deutsche-Bank-en-crise-la-plus-grosse-banque-allemande-fait-planer-la-menace-d

(2) http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/20161115IPR51216/il-faut-une-tol%C3%A9rance-z%C3%A9ro-contre-le-secret-fiscal-selon-joseph-stiglitz

(3) http://www.senat.fr/rap/l15-590/l15-590_mono.html

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.