Ultime œuvre de Shakespeare, merveilleuse et mystérieuse à la fois, La Tempête fascine depuis toujours Peter Brook qui en offre une version épurée et concentrée, habitée par le mot « liberté » dont il a fait une quête universelle.
Plus métaphysique que rationaliste, la pièce éveille notre imaginaire autant que nos consciences. Cette adaptation du chef d’œuvre de Shakespeare porte un nom évocateur The Tempest project ». À voir toutes choses cessantes pour les inconditionnels du grand metteur en scène.
Plusieurs « Tempêtes » en perspective
Si Peter Brook a monté la pièce de Shakespeare à plusieurs reprises de 1957 à 1991, elle n’en reste pas moins une énigme pour lui et la nouvelle adaptatrice « C’est une fable où rien ne semble pouvoir être pris à la lettre et si on reste à la surface de la pièce sa qualité cachée nous échappe » écrivent Peter Brook et Marie-Hélène Estienne à son propos. Au point de susciter un nouveau travail de recherche sur le verbe de Shakespeare dans sa langue originale avec un petit groupe de comédiens, et créer ce spectacle hautement symbolique nourri de leur longue expérience théâtrale.
Une comédie-monde
Dans ce projet Peter Brook réunit des comédiens anglais, allemand, italien, belge, libanais et une chanteuse franco-autrichienne pour explorer la dimension surnaturelle de la pièce et emprunter le chemin qui mène à l’invisible et au surnaturel. La Tempête est traitée comme une féerie et un conte philosophique sur l’amour, la vengeance et le pardon à travers le destin de Prospero, duc de Milan destitué par son frère, contraint à s’exiler sur une île inconnue avec sa fille Miranda, avec Ariel, l’esprit de l’air et du souffle de vie et Calibran, symbole de la terre et de la violence, sauvés du naufrage pour mieux les garder à son service. Les personnages de La Tempête se sont élevés aujourd’hui à un rang presque mythique : représentés, cités, repris, mis en scène par nombre d’artistes dans leurs œuvres, ils incarnent et symbolisent avec une grande richesse des comportements et sentiments humains. Peter Brook qui a déjà mis en scène en 1990 creuse une fois de plus l’œuvre la plus philosophique de Shakespeare qui est aussi sa dernière (1610). Avec Sylvain Levitte, Paula Luna, Fabio Maniglio, Luca Maniglio, Marilú Marini, Ery Nzaramba.
Le déconfinement des esprits
Écartant les visions exclusivement narratives, politiques ou historiques, Peter Brook choisit le sens initiatique, ce qu’il appelle le déconfinement des esprits, la métaphysique, autour du thème majeur de la liberté, qu’elle soit individuelle ou sociale. Cette version concentrée de La Tempête est une belle réussite qui a séduit la critique internationale et que la direction de Théâtres en Dracénie a eu le bon goût de programmer. Notons aussi que pour nous mélomanes elle a inspiré Beethoven pour un belle sonate pour piano, Berlioz, Chausson, Honegger, Tchjaïkowsky et un splendide opéra de Thomas Adès en 2004.
Il y a un mot qui revient très souvent dans la pièce, c’est le mot « Liberté ». Et comme toujours avec Shakespeare le mot n’est pas employé d’une manière évidente, il vient comme une suggestion, il résonne tout au long de la pièce comme un écho à l’action des protagonistes. Comme si la vie était une longue conquête de la Liberté intérieure, un chemin, un épanouissement, une dissolution dans une vision expérientielle commune.
Amis varois allez voir ce spectacle étonnant !
Samedi 13 novembre 20h30 The Tempest Project avec Sylvain Levitte, Paula Luna, Fabio Maniglio, Luca Maniglio, Marilú Marini, Ery Nzaramba. Le texte « Tempest project », adaptation de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne d’après la version française de Jean-Claude Carrière de La Tempête de William Shakespeare, est publié chez Actes Sud-Papiers.
Théâtre de l’Esplanade Draguignan. Infos et réservations : 04 94 50 59 59
Jean-François Principiano