Toulon 2026 : Michel Bonnus lance sa campagne

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À l’occasion de l’inauguration de sa permanence et du lancement de sa campagne pour les élections municipales des 15 & 22 mars 2026, le sénateur du Var Michel Bonnus (LR) a déclaré le 22 novembre au matin : « Aujourd’hui il faut que la ville soit gérée comme une entreprise » (vidéo disponible sur son compte X).
Qu’il nous soit permis de ne pas partager ce point de vue.

Gérer une commune comme une entreprise serait non seulement impossible, mais dangereux pour la cohésion sociale.
« Aujourd’hui il faut que la ville soit gérée comme une entreprise » selon le sénateur du Var Michel Bonnus. Cette affirmation, déclamée avec passion, séduisante en apparence, repose en réalité sur une confusion profonde entre deux types d’organisations dont les finalités, les ressources, les obligations et les modes de décision sont totalement différents.
Voici au moins six points qui démontrent pourquoi la gestion d’une municipalité ne peut pas être assimilée à la gestion d’une entreprise, et pourquoi la logique publique s’oppose sur plusieurs points fondamentaux à la logique privée.

-Des finalités opposées : intérêt général contre profit
a) La municipalité poursuit l’intérêt général
La mission première d’une commune est d’assurer le bien-être de tous ses habitants.
Elle doit garantir l’accès à des services publics essentiels tels que :
l’éducation (écoles primaires),
la petite enfance,
l’état civil,
la sécurité locale,
l’urbanisme et l’aménagement,
l’environnement,
la gestion des routes et de l’espace public.
Ces missions ne sont pas guidées par la rentabilité, mais par les besoins collectifs.
Exemple :
Même si une bibliothèque municipale coûte plus cher qu’elle ne rapporte, la commune doit la maintenir car elle répond à un objectif culturel et social.

b) L’entreprise vise le profit et la survie économique
L’entreprise a pour objectif :
de dégager des bénéfices,
de conquérir des parts de marché,
d’assurer sa compétitivité.
Elle peut abandonner toute activité non rentable, ce qui est impossible pour une municipalité.
Monsieur Bonnus ce qui est rentable n’est pas toujours utile, et ce qui est utile n’est pas toujours rentable.

-Des modes de financement radicalement différents
a) La municipalité gère de l’argent public
Les ressources proviennent :
des impôts locaux,
des taxes,
des dotations de l’État,
parfois des redevances des services publics (cantine, piscine…).
Cet argent est soumis à :
des obligations de transparence,
des débats publics,
des contrôles externes (Chambre régionale des comptes),
une traçabilité stricte.

b) L’entreprise dépend de ses clients et de ses ventes
Ses revenus sont liés à l’achat volontaire de biens ou de services.
Elle ajuste librement :
ses prix,
son positionnement,
ses investissements,
ses arbitrages internes.
Monsieur Bonnus, une municipalité n’a pas de clients, elle a des citoyens.

-Des responsabilités et contraintes juridiques spécifiques au service public
a) Le service public impose des obligations
Une municipalité doit respecter :
la continuité du service public (pas de fermeture de l’état civil, même en crise),
l’égalité d’accès (pas de sélection selon les revenus),
la neutralité,
les règles de passation des marchés publics (mise en concurrence obligatoire),
la protection des données,
les contraintes environnementales et sociales.
Toutes ces obligations ralentissent parfois l’action publique, mais elles garantissent l’équité et la transparence.

b) L’entreprise a une liberté d’action beaucoup plus large
L’entreprise choisit :
sa clientèle,
ses fournisseurs,
ses tarifs,
ses stratégies,
et peut décider seule sans consultation publique.
Monsieur Bonnus, l’entreprise optimise, la municipalité équilibre.

-Des services essentiels et non délocalisables
a)La municipalité fournit des services vitaux
Une commune doit assurer :
l’eau potable,
l’assainissement,
la voirie,
les écoles,
la sécurité locale,
la gestion des déchets,
les services sociaux.
Elle ne peut ni cesser, ni délocaliser, ni réduire ces services pour opération de “rentabilité”.

b)L’entreprise peut supprimer ou déplacer une activité
Si un marché n’est plus rentable :
une entreprise ferme un site,
réduit le personnel,
change de stratégie,
ou délocalise.
Monsieur Bonnus, une municipalité ne peut pas dire : « Nous supprimons l’école parce qu’elle coûte trop cher ».

-Une temporalité et une vision de long terme
a) La municipalité construit pour plusieurs générations
Ses projets s’inscrivent souvent sur :
10, 20, voire 50 ans :
→ construction d’une école,
→ extension d’un réseau d’eau,
→ construction d’une traversée souterraine,
→ création d’un Éco-quartier,
→ protection des zones naturelles,
→ construction d’une ligne de tramway (qui peut prendre plusieurs décennies d’études).
Ces investissements ne génèrent pas de profits financiers, mais des bénéfices sociaux et du développement durable.

b) L’entreprise peut fonctionner sur une logique court ou moyen terme
Elle peut adapter rapidement :
ses investissements,
sa production,
ses prix,
sa main-d’œuvre.
Monsieur Bonnus, la pression du marché impose souvent à l’entreprise une vision trimestrielle ou annuelle, c’est (heureusement) très rarement le cas pour une collectivité territoriale.

-La gestion des ressources humaines : fonction publique contre emploi privé
a) Les agents municipaux sont des fonctionnaires ou contractuels publics
Ils doivent garantir :
la neutralité,
la permanence du service public,
la qualité et la continuité de l’accueil au public.
Leur statut les protège contre des décisions arbitraires mais limite la flexibilité.

b) Les entreprises utilisent davantage la flexibilité managériale
Elles peuvent :
recruter librement,
licencier pour raisons économiques,
restructurer rapidement.
Monsieur Bonnus, dans une commune, la gestion des ressources humaines ne peut pas se faire uniquement selon une logique financière.

Donc,
Comparer une municipalité à une entreprise comme vous l’avez fait à l’occasion du lancement de votre campagne électorale, revient à ignorer leurs différences de mission, de financement, de responsabilité et de temporalité.
L’entreprise cherche avant tout la rentabilité et la conquête de marché.
La municipalité, elle, doit garantir l’égalité, la continuité et la qualité des services publics pour tous les citoyens.
Gérer une commune comme une entreprise serait non seulement impossible, mais dangereux pour la cohésion sociale.
La bonne gestion municipale doit être rigoureuse, mais jamais exclusivement inspirée du modèle économique privé.

Laurent di Gennaro

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