Dick Annegarn – Les chansons agricoles, c’est ma manière de cultiver la langue.
« Les Chansons Agricoles » le vendredi 5 Décembre 2025 à l’Espace des Arts au Pradet.
Le poète-chanteur revient sur scène avec son nouveau projet participatif “Chansons agricoles”. Le 5 décembre, il fera escale à l’Espace des Arts pour un concert vivant et verdoyant où le public est invité à venir avec fleurs et arbustes. L’auteur de “Sacré géranium” ou “Bruxelles”, installé depuis des années dans une ferme près des Pyrénées, y chantera sa passion pour la terre, la langue et le verbe. Rencontre avec un artiste enraciné et libre.
Votre spectacle “Chansons agricoles” célèbre la terre et le vivant. Comment est née cette création ?
J’ai toujours eu un lien fort avec la nature. Plus jeune, j’ai voulu faire des études d’agronomie… trois mois à peine, le prof parlait le latin des fleurs, j’ai fui ! Mais ce goût est resté, profondément enraciné. Aujourd’hui, je vis dans une ferme avec quelques bêtes, un potager, du bois à couper et un poulailler que j’ai moi-même construit. Je ne cultive pas la terre, je cultive les mots. Autrefois, la culture et l’agriculture allaient de pair : c’était une même manière de faire pousser la vie et la beauté. Mes chansons prolongent cette idée-là, celle d’un monde où l’on sème du sens autant que des graines.
Pourquoi avoir choisi de faire participer le public, en lui demandant d’apporter plantes et fleurs ?
J’aime que la scène soit un lieu vivant, pas figé. Chaque spectateur apporte sa plante, son arbuste : la scène devient un jardin partagé, éphémère, un décor en mouvement. Ce n’est pas un gadget, c’est un geste poétique, une manière de rappeler que l’art et la nature sont faits de la même matière fragile. Et puis, le public chante, tape dans les mains, entre dans la ronde. Je ne délègue pas le concert, mais je le partage : c’est un moment de respiration commune, une façon d’être ensemble autrement, autour d’une même sève.
Vos chansons évoquent souvent les éléments : la pluie, le vent, la sécheresse. Pourquoi cette inspiration si “terre à terre” ?
Parce que la nature raconte nos émotions mieux que nous. Je ne chante ni mes amours ni mes opinions : je chante ce que le monde m’inspire. L’orage, la pluie, la sécheresse… ce sont des métaphores de nos humeurs, de nos saisons intérieures. La nature, dans mes textes, est un témoin, parfois une confidente. Elle me parle et je lui réponds. Elle dit la mélancolie comme la joie, la fragilité comme la force. Elle est la scène primitive de nos vies.
Vous avez fondé Les Amis du Verbe, une association dédiée à la parole. Quel lien faites-vous entre le langage et la nature ?
La parole est vivante, elle pousse, elle se renouvelle sans cesse. Avant les livres, il y avait la voix : les épopées, les prêches, les chansons. On appelle ça “l’oraliture”, la littérature orale. Avec les Amis du Verbe, on défend cette parole populaire, spontanée, qu’on entend sur les marchés, dans les cafés, dans les chansons. On organise même un concours de discours pour enfants : trois minutes pour apprendre à dire avec style. Cultiver le verbe, c’est aussi une forme d’écologie : prendre soin de la langue comme on prend soin d’un jardin.
Les réseaux n’ont pas tué la parole, ils l’ont déplacée. Les langues disparaissent, d’autres naissent. Ce qu’il faut préserver, c’est l’art du dialogue, de la joute verbale : se confronter avec des mots, pas avec les poings. Autrefois, dans le sud, on appelait ça les tensus : des joutes occitanes où l’on s’affrontait en poésie. Je préfère mille fois un bon échange de mots à une mauvaise bagarre.
Un festival du Verbe Vert ?
Oui ! Ce sera près de Toulouse, l’an prochain. Un festival consacré à la parole vivante : humoristes, conteurs, slameurs, chanteurs… tous ceux qui font vibrer la langue. Parce que la langue est une plante, elle aussi : il faut l’arroser, la laisser pousser librement, au soleil des mots et au vent des idées.
Grégory Rapuc.
