Devant une salle comble pour le plus grand bonheur des organisateurs et du public ce concert souleva l’enthousiasme vendredi soir. Il témoigne de l’évolution culturelle positive de la Ville.
En première partie le concerto pour violon de Tchjaïkowsky permit à la jeune virtuose moldave Aleksandra Conunova finaliste du Concours Tchjaïkowsky de déployer toute sa virtuosité. Elle témoigna d’une grande maîtrise, d’une incrustation digitale puissante, ses notes aigues harmoniques de septième position sur la chanterelle étaient éclatantes sur son Guarnerius del Gesu. Bien soutenue par la jeune chef ukrainienne Oksana Lyniv son troisième mouvement est apparu éblouissant. Peut-être gagnera-t-elle encore en richesse interprétative en se libérant de sa maîtrise technique, un peu appliquée pour laisser s’épanouir une personnalité musicale plus intériorisée. Une belle ovation salua sa performance.
Après l’entracte moment très attendu, la création mondiale de Aether concerto pour harpe, marimba et orchestre de Camille Pèpin.Editions Billaudot. Anaëlle Tourret à la Harpe, Thibault Lepri au Marimba.
Vingt minutes d’une musique agréablement décorative, écrite avec l’aide de l’ordinateur. C’est une partition séduisante qui a plu mais qui laisse perplexe. Selon les commanditaires c’est de la musique contemporaine que « l’on peut écouter ». Oui bien sûr, mais à force de se laisser entendre facilement on finit par avoir l’impression de l’avoir déjà entendu. Bartók, Schoenberg, Berg, Webern, Stravinsky, Messiaen, Boulez, Nono, Berio, Grisey, Scelsi, Xenakis, Dufour, etc… tous ces maîtres des générations passées paraissent plus « audacieux » et donc plus « contemporains. » Mais arrêtons ces vaines comparaisons musicologiques d’autant plus qu’il existe aussi un courant musical contemporain qui recherche une réconciliation avec le public. Et laissons à cette musicienne accomplie, sincère et généreuse-qui assume d’ailleurs ses choix lors d’un bref entretien- le temps d’évoluer, peut-être, vers une plus grande prise de conscience des enjeux esthétiques de notre XXI° siècle plein de fracas et d’inquiétude.
Il était donc assez cruel de programmer cette « création » avant l’Oiseau de feu suite de 1919 qui concluait ce concert en apothéose.Oeuvre grandiose et féérique à l’orchestration rutilante de couleurs, elle évoque la légende russe du magicien Katchkei poursuivit par l’Oiseau de feu.
« Faites-moi de l’imprévisible » avait déclaré Diaghilev au jeune Stravinsky de 28 ans ! Cette partition majeure nécessite une grande maîtrise de l’orchestre, ce qu’a démontré Oksana Lyniv conduisant au scalpel chirurgical cette musique étonnante aux rythmes telluriques. Le final célèbre pour ses amplifications rythmiques aboutissant à une péroraison sonore d’une rare intensité est ressorti avec force et conviction. La jeune jeune chef d’orchestre se libérant même, dans un élan lyrique qui a soulevé la salle. Et sous les ovations l’orchestre bissa la danse centrale. Soulignons la tenue impeccable de l’orchestre dont elle fit applaudir les différents chefs de pupitres entr’autres Guillaume Deshaye au hautbois, Boris Grelier à la flûte, Frank Russo à la clarinette, Jean-Louis Estier au Basson, et Simon Bessaguet au cor.
Ajoutons que la présentation du concert (sans notes) par Joël Nicod est apparue précise et didactique, indispensable dans une salle accueillant, ce soir-là de nombreux enfants des écoles. La relève des mélomanes de demain.
Jean-François Principiano