L’autre matin à la préfecture, les candidats aux prochaines législatives des 12 & 19 juin, étaient venus nombreux pour déposer leurs dossiers et obtenir ainsi le droit de se présenter devant les électeurs. Tous avaient le secret espoir de devenir ou de rester « Représentant(e)s du Peuple », Élu(e)s de la nation.
Certain(e)s nous ont parlé de statistiques, d’autres de géopolitique départementale, d’autres de vilénie, d’autres plus sarcastiques encore de la transhumance idéologique de leurs anciens compagnons.
Et puis, il y a eu Valérie Gomez-Bassac Députée de la 6è circonscription.
Ayant épuisé toutes les banalités avec les autres, l’envie se fit sentir de lui demander si un texte un jour ou un auteur l’avait particulièrement marqué.
L’interrogation était bonne et la réponse surprenante.
VGB nous confia qu’adolescente au cœur d’un été en Catalogne, sous la lumière crue d’un mois d’Août, elle garde le souvenir d’avoir lu Victor Hugo. Pas Les Contemplations, pas Lucrèce Borgia, ni Les Travailleurs de la mer. Non, VGB garde le souvenir du discours d’Enjolras.
« Citoyens, vous représentez vous l’avenir ? Les rues de villes inondées de lumières, des branches vertes sur les seuils, les nations sœurs, les hommes justes, les vieillards bénissant les enfants, le passé aimant le présent, les penseurs en pleine Liberté, les croyants en pleine égalité, pour religion le ciel, Dieu prêtre en direct, la conscience humaine devenue l’autel, plus de haines, la fraternité de l’atelier à l’école, pour pénalité et pour récompense la notoriété, à tous le travail, pour tous le droit, sur tous la Paix, plus de sang versé, plus de guerres, les mères heureuses !
Dompter la matière, c’est le premier pas ; réaliser l’idéal, c’est le second. Réfléchissez à ce qu’a déjà fait le progrès. Jadis les premières races humaines voyaient avec terreur passer devant leurs yeux l’hydre qui soufflait sur les eaux, le dragon qui vomissait du feu, le griffon qui était le monstre de l’air et qui volait avec les ailes d’un aigle et les griffes d’un tigre ; bêtes effrayantes qui étaient au-dessus de l’homme.
L’homme cependant a tendu ses pièges, les pièges sacrés de l’intelligence, et il a fini par y prendre les monstres…
(…) Courage, et en avant ! Citoyens, où allons-nous ? À la science faite gouvernement, à la force des choses devenue seule force publique, à la loi naturelle ayant sa sanction et sa pénalité en elle-même et se promulguant par l’évidence, à un lever de vérité correspondant au lever du jour. Nous allons à l’union des peuples ; nous allons à l’unité de l’homme. Plus de fictions ; plus de parasites. Le réel gouverné par le vrai, voilà le but. La civilisation tiendra ses assises au sommet de l’Europe, et plus tard au centre des continents, dans un grand parlement de l’intelligence(…) La France porte cet avenir sublime dans ses flancs …»
Quand l’adolescence s’est envolée, VGB s’est raccrochée à cette lecture pour devenir avocate pour défendre Fantine, Jean Valjean ou le condamné dont c’est le dernier jour.
Pour garder comme une ligne de conduite, comme un cap sous une pluie d’étoiles près de Cadaquès et ailleurs.
Quand on vous dit que cette femme est différente, le hasard de cette rencontre accessoirement littéraire le prouve une fois de plus. Et … ça nous change tellement.
Ça nous change de ces politiciens qui n’ont de belles lettres que les trois qui forment le mot sot aurait dit Edmond Rostand.
Je n’ai qu’un seul regret … Je ne vote pas dans la 6è circonscription.
Laurent di Gennaro